vendredi 29 janvier 2016

Soignante soignée 2/3 - Infirmière



Me voilà donc à 21 ans embauchée dans un service de psy adulte temps plein. L'hôpital est petit, les deux service TP accueillent les usager.e.s par lieu de vie géographique et de tout type de pathologies, chroniques et/ou aiguës.

J'ai eu de la chance, car l'équipe était composé.e d'infirmier.e.s aguerris, qui m'ont énormément appris sur le métier, le psychiatre chef de service était un libertaire qui tolérait mal les contraintes inhumaines (je le cite) faites aux usager.e.s (contention)

Pour moi les usager.e.s étaient des patient.e.s, niveau terminologie.
Donc oui, "moi je" "moi infirmière" moi dans l'exercice de ma fonction, j'avais la conviction qu'il y avait "elleux" et "nous" et que dans la plupart des cas nous avions raisons et elleux ne savaient pas, du fait de leur état psychique.
Je reste convaincue que parfois, nous usager.E.s n'avons pas conscience de nos troubles et nous mettons en danger, ou autrui. Ma réflexion actuelle porte sur la contention. Je ne l'ai jamais tolérée pour les sangles. Je ne l'ai jamais ni pratiquée ni vu pratiquée.

Il m'est particulier de me remémorer comment cette rupture que j'opérais entre les personnes sous ma responsabilité et nous soignant.E.s a fait que j'ai clivé ma propre personne. Comme je l'ai écrit dans le billet sur le déni "moi c'est pas pareil"

Et comme j'en parlais dans mon billet sur la lucidité des schizophrènes, je ne la voyais plus. Je pouvais dire par exemple "Il/elle va si bien quand il/elle va bien". J'ai pu voir au fil des ans, des personnes en situation de maladie aiguë, qui quittaient 'lhôpital en forme, travaillaient, menaient leur vie de famille, ou pas, mais "allaient bien"

Je déplore le raccourci de langage "iel est bien" (en ce moment)


J'admirais beaucoup mes collègues et leur faisaient confiance. Iels m'ont accueillie avec poatience, appréciant même ma démarche de les suivre comme un petit poussin pendant un mois pour apprendre d'eux, le savoir-être, le savoir-faire : un entretien infirmier est un soin technique. Au même titre qu'une pose de cathéter.

Je ne sais comment vraiment clairement définir cela. J'étais très en "surplomb intellectuel" comme me l'a dit ensuite le chef de service "c'est ça qui vous a détruite" (j'ai eu un parcours à la challenger, avec l'ascension et l'explosion).


Peut-être que ce qui définirait mieux cela est ma surprise continuelle à recevoir les points de vue de personnes ni malades psy, ni soignantes, sur mon métier. On m'a beaucoup demandé "pourquoi ce métier". "Et toi pourquoi tu veux faire commercial ?" C'était à la fois par passion, par recherche sur ma personne "par dessous", sans le savoir, par une profonde volonté d'aider des personnes, et d 'aller vers les personnes souffrantes les plus rejetées et incomprises : les fous. Mes pairs.
Je passe rapidement sur les fantasmes moisis sur les infirmières sexy sans culotte gnagna, mais curieusement ça a une énorme incidence. Imaginez vous le "Que fais-tu dans la vie ?" "Commercial" "Mmmmm, et tu portes une culotte sous ton costume sexy ?" ? Seriously guys...
Il y avait souvent deux camps assez tranchés : d'abord les fasciné.e.s, convaincu.e.s que, comme le dit Despentes dans "Bye Bye Blondie" "pensent que les vrais fous sont dehors et les hôpitaux enferment des braves gens plein de poésie" (citation de mémoire)(tandis qu'elle est plutôt confrontée, mineure, à un trentenaire qui l'agonit d'insulte en l'accusant d'étaler son "fluide" sur la cuvette des toilettes). Ces gen.te.s me disaient souvent que je faisais un métier passionnant (il l'est mais pas pour ces raisons) me mettant en contact avec des personnes "super intéressante" à qui je devais expliquer que les usager.E.s sont des personnes malades qui sont toutes différentes, pas (que) de brillants artistes incompris par la société pas prête. Une bonne partie des fasciné.e.s étaient agressif, je me suis fait traiter de kapo-facho-liberticide-lebruit des bottes, de vendue à la société-qui-fabrique-des-fous-pour-qu'ils-ne-puissent-pas-parler et je passe les insultes pas safe.
Il y avait a contrario et à égalité les gen.Te.s persuadé.e.s que les usager.e.s de la psy sont des fous à lier sauvages sanguinaires dangereux qu'on laisse se promener dans les rues pensons à nos enfants (sic). Iels m'en voulaient tout autant de "relâcher" (dixit) ces sinistres individus qu'ils s'imaginaient identiques à leur présentation Hollywoodienne.
Enfin, il y avait les soignant.E.s et étudiant.E.s fermement persuadé.e.s qu'infirmière psy c'est "pas une vraie infirmière" et que je devais "mennuyer" (le mythe des infirmiers qui jouent au carte tranquillement tandis que des gen.te.s "malades-mais-ils-vont-pas-en-mourir" font un peu n'importe quoi.
Je me heurtais à la psychophobie dans sa forme très décomplexée et aux vieux archétypes collés à ma profession.

Ce que je pensais de tous ces points : les "fous" sont parfois dangereux (je pensais plus que la population générale alors, bien que les chiffres prouvent que non)(et que les situations de violence hospitalière sont bien souvent liées à un cadre très rigide qui perd alors son sens et devient persécutoire), que "les gen.te.s" et non les usager.e.s psy en particulier sont intéressants, j'étais passionnée par le fonctionnement du psychisme, cependant je privilégiais pour moi et autrui le traitement chimique couplé à une thérapie par la parole et j'étais furieuse d'avis anti médicaments, que la contention et le traitement sous contrainte étaient nécessaire, s'ils avaient un sens (traiter une urgence intraitable autrement, dans l'intérêt de la personne soignée), je savais "ouvrir mais il faut apprendre à refermer" je savais bien amener les gens à la confiance en me parlant mais je devais travailler pour faire quelque chose de ce que je recevais, que je "voulais savoir" d'ailleurs, comprendre, savoir, savoir "pourquoi", pas assez savoir "comment" (vieux mythe du "il faut que ça sorte, que ça ne reste pas non-dit"). Les usager.e.s étaient different.e.s de moi (la preuve j'avais une blouse)


Ce que je pensais de l'équipe : ma "première équipe" était composée d'infirmier.e.s et autre para médicaux aguerris, humains, cadrants en restant souple. Ils m'ont quasiment tout appris, les livres, le travail avec les personnes en situation de maladie m'ont enormément appris aussi, évidemment, la théorie se trouvait dans les livres, dans la revue Santé Mentale (pas encore sur internet balbutiant) et auprès des psychiatres, assistant.e.s et internes.
C'était l'bon temps.
Quand cette équipe a peu à peu, personne par personne, pris sa retraite, j'ai eu de nouveauxelles collègues très peu formés, comme moi au début, ne souhaitant pas s'instruire (j'ai pas envie de faire de la psy à la maison), que je trouvais bien plus jugeante, mettant peu de sens, et n'en ayant rien à carrer de ce que nous, plus ancien.ne.s pouvions leurs apporter. Cela m'a été difficile. J'étais aussi entrée plus pleinement dans ma schizophrénie (en la déniant), et les regards étaient moins tolérants sur mes particularités (sans doute avec raison). J'ai très mal vécu les contentions plus longues, le très sécuritaire (portes d'entrées fermées, cameras), la rigidité du cadre. J'ai été éjectée de toute façon. Mais je me rappelle avoir parfois dit à mes collègues qui se plaignaient qu'un.e usager.e frappe tout le temps à la porte de la chambre forte "tu ferais pareil si on t'enfermait non ?"


Je n'étais pas du tout une infirmière parfaite, j'ai fait des conneries, j'ai sans doute été maltraitante par moments, je me suis présentée en mauvais état, bref, je n'étais pas l'infirmière idéale ni l'employée de l'année.
Je délivre juste mon expérience ici, du point de vue "infirmière", avant de proposer "du point de vue usagère"


Apprendre que le métier de pair aidant existe désormais m'emplit d'espoir. J'ai lu que ces personnel.les sont mal toléré.e.s par les équipes de soins. Cela ne m'étonne pas. Il y a un grand tabou sur la frontière entre soignant.e.s et soigné.e.s. Il y a aussi une grande peur du regard d'un.E usager.e lucide sur le travail d'une équipe, ce travail censé rester secret des malades. Questionnons-nous. Si un.E pair aidant.e nous semble être une arrivée violente, si même l'idée d'une supervision nous rend mal à l'aise : que pensons-nous au fond de nos pratiques ? Sommes-nous clean ? Avons-nous peur de nous faire accuser de maltraitance quand au fond "c'est pas possible de faire autrement" ou "qu'on n'est pas assez" ? Serions nous hermétiques à une remis en question ? Allons nous continuer à dire que les soins en psy, qui se sont grandement améliorés pour ceux dont j'ai pu bénéficier, "c'est pas comme avant" c'est pas les asiles, c'est pas les chaînes, c'est pas les douches froides. Cette histoire même de la psychiatrie, l'arsenal thérapeutique, c'est récent, des techniques se pratiquent encore  : devons nous l’oublier ? Ou la ranger dans le "ça existe plus" Ca peut exister à nouveau, quand je lis que les sangles se multiplient dans les services. Que faire des années 70, de l'antipsychiatrie ? Que faire de ce qui a été fondé à Saint-Alban, de Tosquelles ? Instruisons nous, lisons, participons aux formations (autre que "gestion de l'agressivité"), aux conférences, aux colloques. Réunissons nous pour parler de lectures, pour échanger, pour théoriser un peu. Ne soignons pas avec les tripes, ne soyons pas qu'avec la Loi. Ne nous laissons pas devenir de simple dispensatrices de cachets. Des choses formidables se font déjà, des ateliers, des réunions avec les usager.e.s (les soigné.e.s si vous voulez)
Surtout libérons la parole des malades. Ne nous en sentons pas menacé.e.s. Ou alors il faut croire que c'est nous qui avons un "sentiment de persécution" et que c'est nous qui usons de quérulence : que nous attribuons aux malades, à la hiérarchie, à la société, les dysfonctionnement dont souffrent nos institution. La Santé se casse la gueule, les conditions de travail sont ardues, vous souffrez toustes.
Mais la psychiatrie est la branche de la médecine de la pensée. Du psychisme autant que du corps. Parlons, entendons. Partageons. Un hôpital sans infirmier ne sert à rien. Un hôpital aux usager.e.s rendus muets est mortifère - et ne sert à rien

Soignante soignée 1/3 - Présentation



Je l'ai déjà évoquée je fus infirmière Diplômée D’État, exerçant en psychiatrie durant une quinzaine d'années.
Par transparence je précise que j'ai été d'abord placée sur un poste adapté, au bout de mon exercice infirmier, tout d'abord contre mon avis, mais je n'ai contrecarré aucunement la démarche qui s'est faite par le Service de Santé au Travail, puis à ma demande, avant, d'être à ma demande, déclarée inapte définitivement à ce métier.

J'ai mené mes études de 1993 à 1996, dans un IFSI comme il se doit. Le diplôme était "unique" depuis peu. En 1991 ou 1992, les deux diplômes, infirmière en soins généraux et infirmière en psychiatrie, furent refondé en un seul, et nous avons acquis le statut d'étudiant.e.s.

Le bagage théorique reste maigre, un seul module en santé mentale (période de cours théorique d'une durée de un mois environ, débouchant sur un examen), mais ayant embrassé ces études pour exercer en psy, j'ai pris le module optionnel Santé Mentale, et ai effectué tous les stages que j'ai pu en psychiatrie (psy adulte, psy ado, pedopsy.


Parallèle de ma "carrière" d'usagère : mes troubles psy qui dataient de l'enfance (forme dépressive) ont "explosé" à la fin de l'adolescence (de façon typique). J'ai dès le jeune âge (17 ans) été "psychiatrisée" à ma demande (traitement chimique, traitement par la parole) mais les troubles étaient conséquents. Si je savais me contenir un bon laps de temps et n'avais pas alors de troubles cognitifs, le soir c'était différent. Je vivais seule depuis mes 19 ans. Née en Novembre j'ai été embauchée et ai commencé à travailler à tout juste 21 ans.
Pour mes symptômes, ils étaient assez flamboyants, consommation d'alcool, parfois de cannabis, scarifications et diverses privations punitives, troubles du comportement alcoolisée, angoisse massive, tristesse fluctuante, idéations zarbis et parfois délirante (jalousie amoureuse pathologique), anorexie punitive...

J'arrivais à concilier ces deux vies. Si cela fait vachement flipper bon nombre de soignant.e.s cela étonnera moins les NA qui travaillent à l’extérieur. Je m'expose énormément ici car je sais le tabou qui pèse sur les soignant.E.s malades psy. Pourtant, je ne sais pas s'il y a des études, les IDE sont particulièrement exposées à l'automédication, parfois détournée. Aux addictions, aux burn outs, aux dépressions, j'en passe. Pourtant, je m'adresse à vous, soignant.e.s pourtant on ne sait pas toujours "qui est fou" dans l'équipe. Souvent il y a des personnes on va dire fragiles. Cela n'en fait pas de mauvais.e.s soignant.e.s. Des collègues étranges. Il y a aussi des collègues en qui on n'a pas confiance, pour telle ou telle raison. Cela se décante à l'heure actuelle : je trouve que c'est très bien. Qu'il est bien de s'ouvrir auprès de collègues problématiques (ensuite, je sais aussi la difficulté ou l'impossibilité de discuter avec un.E supérieur.e hiérarchique) De parler avec elleux.

Je pense qu'il est indispensable de bénéficier d'une supervision d'équipe, en plus des réunions, en plus des discussions formelles ou informelles entre soignant.E.s, en plus des réunion soignant.e.s soigné.e.s. Un.e superviseur.e n'est pas là pour nous, vous "dire comment bosser". Pour aider, pour clarifier, pour éviter les défauts de soins, les maltraitances, les malaises individuels et/ou d'équipe, le harcèlement entre collègues.


J'ai donc vécu une vision d'infirmière au sujet des usager.es, au sujet de l'équipe et de la pratique et une vision d'usagère des mêmes choses. Je développerai ceci dans de prochains billets'

jeudi 28 janvier 2016

Schizophrénie, lucidité



Je me suis rendue au CMP rencontrer pour la deuxième fois ma psychiatre, que j'apprécie et en qui j'ai confiance.
Elle avait parcouru mon dossier hospitalier psychiatrique de Haute-Savoie et se trouvait admirative de ma personne et de mon évolution. "C'est rare" "Nous pouvons être optimiste" "Vous êtes très lucide"

Je dois avouer que je me suis sentie très contente et flattée, très forte, pertinente, limite galvanisée.

Et puis en rentrant j'ai repensé au billet écrit par Lana

lundi 25 janvier 2016

La femme la plus belle de la galaxie


Un "billet d'humeur" n'ayant pas trait à la schizophrénie ou à la psychophobie.

Certaines choses se transmettent de femme en femme, de mère en fille, en petite-fille. Certaines peuvent être positives, mais je me méfie de tout ce qui se transmets exclusivement sur une branche verticale cisgenre. Les valeurs de fâmme.

J'ai lu Luce Irigaray sur le tard, j'avais 39 ans, l'année dernière donc, et j'ai été conquise par sa démonstration de ce que les femmes qui sont mères et élèvent leurs enfants deviennent amenuisées à ce rôle là, notamment envers leur(s) fille(s), où peut-être il serait moins mortifère de demeurer, de devenir, d'être une femme-soeur, pouvant changer de rôle, mère, fille, soeur, amie, whatever. Elle l'a traduit dans son poème "avec ton lait ma mère, j'ai bu la glace".

Moi petite... petite fille je pensais que ma mère était la plus belle femme de la galaxie, et je regardais Ulysse 31 et Albator 78.
Un jour, et elle le raconte encore aujourd'hui avec émotion, j'ai été subjuguée par "tes traits sous les yeux".
Elle m'a reprise, elle a été heurtée. Avec le lait de ma mère, j'ai bu la honte des rides naissantes.
Elle utilisait des crèmes pour le corps, le visage
Je trouvais ces rituels chouettes, j'avais le droit de 'moindre de crème Nivea (r) en pot bleu, le gros pot rond.
Avec le lait de ma mère j'ai appris adolescente à utiliser de la crème de jour. A 17 ans de la crème de jour, mais wtf. Pour le confort, pour le bien-être, pour la santé ?
Pour rien du tout, parce que c'est une grande tradition de la Fâmme. Je ne sais pas si des ados mâles de 17 ans se font pénétrer une crème de jour légère chaque matin, pourtant si c'est le summum du confort et du kiff ils devraient non ? Peu importe, ce n'est pas si genant.
C'est deux minutes chaque matin, c'est une dizaine de francs, à l'époque, par quinzaine.
Et puis avec le lait de ma mère, j'ai fait mon premier soin du visage. POur mes 18 ans. J'avais fait une TS m'ayant mené à l'hôpital et ma mère m'a offert un soin du visage et maquillage de jour chez Yves Rocher, "pour me chouchouter". J'avais été très touchée et j'avais bien aimé.
Maintenant je me rends compte à quel point c'est étrange quand j'y pense. J'avais essayé de mourir, nous n'en avons pas parlé, j'allais très mal psychiquement et la seule chose trouvée pour me faire me sentir mieux (et croyez moi je suis touchée du geste et il m'avait réconfortée) c'est d'envoyer ma peau de jeune femme se faire extraire les points noirs du nez, ce qui est douloureux, et bombarder de vapeur très chaude, ce qui étouffe, dans le but d'être chouchoutée, que je me sente mieux et que je "m'apprécie à nouveau" moi-même.

Twilight zone.

Après la crème Nivéa bien sur il y eu les divers laits pour corps, les huiles sèches ("qui ne sont pas vraiment de l'huile tu sais sinon c'est pas sec c'est GRAS"), et les multiples crèmes visages. Une pour les joues une ou deux pour la zone T, les patches pour décongestionner le tour des yeux le matin, la crème anti ride ou la BB crème (ou CC crème, DD crème, XX crème oui), la crème contour des yeux, celle contour des lèvres, et une fois que j'eus pris du poids, les fameuses crèmes anti cellulite-qui-servent-à-rien-mais-on-sait-jamais.

Et je continue à les mettre. De plus en plus nombreuses au fur et à mesure des "progrès" de la cosmétique et de l'avancée en âge.
Je ne jette la pierre à personne en particulier, à moi non plus au fond, depuis que je me suis fait le pacte que tendre à être une bonne personne incluait une tendresse sans complaisance envers moi.

Ce que m'a transmis ma mère est transmis par la société entière et ne date pas de 1975 (quoi que la société française ai pu être plus égalitaire alors, je sais pas, je m'en rendais pas compte à 6 mois)

Mais je pense à ces transmissions de mère en fille, à ce que je transmets plus bas, moi childfree, ce que je transmets à mes nièces, ce qui leur est transmis. De passer du temps, du budget, du souci, des complexes, pour "se sentir bien" "s'offrir un moment cocooning" "avoir une vraie peau de bébé" (sérieux, glauque) Je pensais lorsque je fréquentais régulièrement les instituts de beauté comme je me sentais bien et belle en en sortant, j'avais fait un parallèle institut/institution (j'étais hypomane ça aide les glissements du genre), comme une institution de beauté pourrait être un soin, l'est dans certains établissements (et c'est parfait), comme entre les mains de l'esthéticienne je me sentais comme la nourrissonne au bain avec sa mère aimante, manipulée avec douceur, avec gloussements et compliments, et en en sortant on se sent belle, aimée, quasi déesse.

C'est galvanisant, mais faut-il consommer pour s'aimer ? Se laver, se coiffer, s'habiller, manger correctement, boire un café ou un thé, mettre des vêtements doux, tout cela, ne suffit pas pour nous  femmes à "s'occuper de soi" ? A "se respecter" ? A "se faire du bien" ?


Je tâche d'apprendre cela, s'aimer justement me semble un long parcours, en attendant je m'applique toutes mes crèmes le matin.

jeudi 14 janvier 2016

Nuanc(i)er



Car non il n'existe pas de vils psychophobes vs moi-même qui serait clairvoyante sur tout même sur moi (bonne blague)
Car non le monde et les habitants qui le peuplent ne sont pas tout bleu tout rouge.
Une tentative de nuancer, que je sens nécessaire pour mes réflexions, et pour ma cohérence, pour une "moi-une" en dégradés, entourée de gens l'étant tout autant.

Je commence par ce que j'appelle la "tombée du déni".
Car il y a un "avant" et un "après" mais la prise de conscience a pris des années et des années.

Cela venait de moi au départ, moi clivée malade-pas malade, moi clivée toute puissante-toute impuissante, moi clivée géniale-misérable, mopi clivée soignante-soignée.
Moi paradoxe.
Et ces réalités coexistaient, parallèles, sans jamais se rejoindre. Le déni est cela, savoir sans savoir (se référer au tout premier billet du blog)

Cela venait de moi au départ, me dépouiller de la terminologie médicale, libérer ma pensée et mon point de vue du prisme psychiatrique, psychanalytique. Ne plus parler de moi comme d'une étude de cas, me réhumaniser. Ne plus être ma seule soignante qui elle seule saurait, tout en demandant aux soigant.e.s alentours de me prendre en charge car iels sauraient tout (en même temps)
Ce fut accepter d'être humble, accepter de ne pas comprendre grand chose, accepter que souvent je ne savais pas, me réinvestir comme une personne humaine, souffrante parfois, lâcher prise sans lâcher la barre.

Il y eut ensuite le travail par la parole avec une très précieuse psychologue, J. Qui me parlait de ces parts de moi, "Ju malade" vs "Ju saine" (les termes sont bof mais ils étaient alors miens) en m'enjoignant de les rassembler.
Car je refusais de réaliser ma schizophrénie, je souffrais certainement d'autre chose pas très grave.
Le travails a duré deux ans, immensément bénéfique, puis s'est inbterrompu d'un commun accord : nous avions fait le tour.

Et puis, la rechute alcoolique. Les rechutes alcooliques. A V*** je me suis rendue à l'hôpital rencontre une addictologue et là, premier point de vue étrange. Elle me demande où je vis et je réponds que bien qu'ayant un studio en Haute-Savoie je loge actuellement chez mon compagnon, séparé de corps depuis 3 ans et en instance de divorce.
Elle résume ainsi
*"Donc vous vivez chez un ami qui est marié et a deux enfants"
Violence. Mais je souris de cet autre point de vue, factuellement pertinent, mais aux consonances glauques. Pour la première fois j'accepte le C'est vrai, on peut voir ça comme ça
Même si ça me semble moche et rude.

Puis la cure, et l'accent était mis sur l'authenticité. J'ai saisi cela, dans une grande volonté d'aller au fond des choses, de ne plus mentir. Je vois maintenant que le fait que je ne supportais plus le mensonge, mentir, dire des demi vérités comme une autre fenêtre vers une vérité autre.

Oui, le psychiatre, avec mon accord enthousiaste, a bouleversé mon traitement. Oui je lui ai dit que je n'étais pas schizophrene, mais purement bipolaire, que mes "délires" étaient d'origine toxique, que que... Mais le changement de traitement seul ne m'a pas poussée à cette décompensation très atypique chez moi.

Oh, alors je me serais trompée ...?

La séance de groupe avec la psychologue a ferré mon esprit, quand j'ai parlé longuement de ma mère d'une voix très monocorde, il y eu une question finale et les mots de cette psychologue "pourquoi Julie ne comprend pas mle second degré"

Mon moi infirmière s'est révolté,; j'ai ouvert la bouche et dit "je ne suis pas..."
psychotique qui ne comprend pas le second degré
Je l'ai refermée et vlan, j'ai pris cette part de la réalioté dans la face.
Troubles schizo affectifs c'est schizophrénie et troubles bipolaires.
Je suis schizophrène
Julie G est schizophrène.

Je suis restée 15j environ stuporeuse, très souffrante et dans un état de douleur psychique que je ne peux pas décrire, parce que je n'en avais jamais entendu parler.

Mais les choses se sont "mises en place" assez rapidement. Je me rappelle qu'une des premières choses "rationnelles" que j'ai pu me dire a été "mais ma famille, des ami.e.s, m'apprécient et m'aiment. Mais alors si malgré tout ce que j'ai fait, iels m'aiment, c'est que je dois être aimable"
Je m'apprenais que je pouvais être insupportable par moment mais avoir des qualités.
Je tombais ma psychophobie intériorisée. Je nuançais ma part "persécutée". Ce que les psychanalystes appellent les "mauvais objets" se trouvaient nuancés en moi. Une infinie palette, une profonde liberté, un horizon.


Bien évidemment ça n'a pas été "omg je réalise, je vais dorénavant bien"

Justement
Ca n'irai jamais parfaitement bien, j'aurai toujours un sale lot d'angoisse, des hallus par moments, je suis susceptible de délirer, de dé"compenser mes troubles schizo comme bipolaire, les deux allant ensemble, joyeusement accompagnés d'alcool.
Alors accepter. Cela date de decembre 2014 et je ne peux pas dire que je sois en paix totale.
J'ai traversé les étapes du deuil, ou de l'acceptation, j'ai été très depressive, très en colère, très dans un chantage interne avec des pensées magiques, si je fais comme ceci comme cela alors ça ira pour toujours.
J'ai encore maintenant souvent la hargne ou un agacement profonde, lourdeur des soins et du suivi, limitations qui me frustre, handicap.
Mais enfin, je me nuance. Je nuance les autres, mieux. Me reste à mieux nuancer ma pensée, que j'émaille d'exemples bancals et de transpositions sauvages, de parti pris, de simplifications un peu barbares.

Je n'en veux à personne de ne pas me comprendre ou de me mal comprendre. Qui comprend qui ? Si je suis seule dans ma tête ce n'est que condition du vivant.

samedi 9 janvier 2016

Mésestime



Je vis avec des troubles schizo affectifs forme dépressive. Cela singifie que j'ai des symptômes et "parts" schizophrènes, d'autres bipolaires, mais plus volontiers vers la dépression, assez constante en "douceur" et parfois mélancoliforme.
"Parts" est un mauvais terme, je ne suis plus partitionnée.
Mais c'est plus simple.

Cela entraine une faible estime de moi, que je peine à "restaurer", à équilibrer. Les périodes hypomanes ou mixtes me donne de l'assurance à foison, mais il s'agit exactement de la même chose, de la même faible estime de moi-même.

Se déroulent dans ma tête les termes cliniques pour désigner ces sentiments quand ils s'enracinent dans des personnes dépressives : "sentiment d'indignité" "sentiment de culpabilité" "sentiment de ruine" aussi, que je rattache au cortège.*
"Les lunettes grises du mélancolique".
Que l'on qualifie de trouble, que je qualifie comme une façon de se voir et de voir le monde sous un seul angle, le laid, le douloureux. Cela ne me semble pas délirant, du laid est en mot. Mais cela est tronqué car j'ai la prétention de penser qu'il n'y a pas que ça.

Bref, depuis l'enfance, quand a commencé la grande tristesse, j'ai tendance à me dégoûter, à m’embarrasser moi-même. Je relie ma grande peur de l'abandon à ceci. Si je suis indigne et incapable, j'ai besoin des autres. Si je suis indigne et incapable les autres vont me quitter. Donc je vais crever. Ou pire, je ne vais même pas en crever et cela durera pour les siècles des siècles.


Cela se double d'un psychophobie intériorisée, ancrée dans ma psyché, dans mon corps même. La somme de la silenciation, du jugement, de la négation, des moqueries, du mépris, de la peur, du rejet,de la haine parfois. De tout un chacun. Que j'ai connue, vue, entendue, bue, dont j'ai usé envers autrui, avant de me penser malade, et pendant un temps encore plus en me pensant malade.

Ça va de la qualification de "fou" pour tout acte semblant sortir du chemin pavé de bonnes intentions de la normalité des braves gens. A l'idée commune, implicite et souvent explicite que les fous sont dangereux, "à lier". A l'idée commune, très explicite, que les fous "ne savent pas que" "n'ont pas conscience de". Rappelons que la conscience est le propre de l'être Humain , la conscience de soi. N'avoir "pas conscience de son état" ? Ne "pas savoir ce qui est bénéfique pour soi" ? La conscience de soi est déniée aux fous et aux animaux non humains. A des injures parfois, au fameux signe de la main ou du doigt sur la tempe. A des discriminations, sur le lieu de travail. Au capacitisme, au validisme.


Cela était ancré en moi et j'ai encore bien du chemin pour me déconstruire.

Cela a tellement atteint en moi, d'une telle faille, ce que je ressens et pense de moi, que cette psychophobie intériorisée a été je pense un des puissants moteurs de mon très long déni.

Je travaille à m'aimer, à m'apprécier à ma juste valeur. Ni trop ni trop peu. Unique comme tout le monde. Et si et si et si. ET si je ne devais pas prendre dans la gueule toute la psychophobie ordinaire sur les réseaux sociaux et dans les medias, dans ma famille parfois, de la part de machin et bidule, de la banquière et du boulanger, des soignant.es assez souvent, toute cette "moisissure qui s'infiltre" comme dit Jaddo au sujet du racisme et du sexisme...
Si...

Eh bien, foi de rat, cela serait plus aisé. Il y a tout ce chemin entre ce sentiment, vibrant, chaud et libérateur, d'accepter ma pathologie et de me tonitruer à moi-même "je n'ai pas honte" et puis ouvrir la porte et le crier au monde, alors le monde répond "mais quand même, tu devrais"

mercredi 6 janvier 2016

C'est pas parce que je suis parano...




Je doute très souvent de mes ressentis, car On m'a souvent qualifiée de "paranoïde", de "sensitive", d"'interprétative". Je parle de professionnel.le.s de santé mentale. Je parle de certain.e.s de mes proches aussi.


Mais comme dit un ami NA pour plaisanter - à demi- "ce n'est pas parce que je suis parano que personne ne m'en veut"


Ainsi je ne suis pas sûre que mon médecin généraliste de T*** ai spécialement zappé certaines de mes pathologies physiques (hyper tension - due "au stress") parce que je suis schizophrène, peut-être était-ce un problème général dirigé envers tou.te.s.

Ainsi je ne suis pas sûre que les ambulancier.e.s, à une certaine époque, aient été spécialement familier.e.s avec moi parce que je suis schizophrène. Peut-être tutoient-iels facilement tou.te.s les jeunes.

Ainsi je ne suis pas sûre que les urgentistes, à une certaine époque, m'aient spécialement traitée par dessus la jambe avec mes scarifications parce que c'étaient des scarifications, parce que je suis schizophrène. Peut-être ont-iels du mal avec toute plaie peu grave face à une personne qui se montre revêche et limite opposante, avec tout le boulot qu'iels ont beaucoup plus urgent.

Ainsi je ne suis pas sûre que l'on me paterne, médecins ou autres, parce que je suis schizophrène, peut-être est-ce mon attitude et ma vêture inspirant le juvénile qui donne envie de me cocoler.

Ainsi ne suis-je pas sûre...
Cependant, toute personne vivant une oppression systémique se voit renvoyer à cela je crois, pour parler d'une autre que je connais, être une femme. En tant que femme on me demande aussi si je ne suis pas un peu parano avec le harcèlement de rue, avec la terminologie, si je ne cherche pas la petite bête, qu'on me traite de telle ou telle façon à cause de mon attitude à moi seule et non parce que je suis une femme.

Alors non, ce n'est pas parce que je suis parano que la psychophobie n'existe pas.