jeudi 18 mai 2017

Les psychiatrisé-e-s et la normativation de l'expression de la souffrance

Il s'avère que je vis une rechute dépressive et alcoolique. Cela a surtout été aigu ces derniers jours, les causes peuvent en être multiples : juste la vie de mon cerveau, une modification de traitement voilà 4 mois, vivre à mon tour en soutien de mon compagnon qui traverse un burn-out (un état dépressif donc) depuis un an.
C'est ce dernier point qui a surtout été douloureux ces derniers temps, entre le sentiment d'impuissance saisissant, l'absence psychique même en présence, la peine de voir l'être aimé souffrir. Ce sont là des réactions classiques et assez typiques de ma part, m'a rassurée mon infirmière référente.
Il est à noter que mon conjoint ne souhaite pas se médiquer - ni rencontrer un-e soignant-e specialisé-e pour poser un peu sa souffrance. Cela est son choix que je respecte, c'est sa tête, son psychisme, sa vie et sa souffrance.

De mon côté qu'avons-nous ? Une personne, une femme (cis) (je crois que c'est important) avec troubles schizo affectifs tendance dépressive, médiqués et psychiatrisés depuis une vingtaine d'année. Une femme fatiguée, qui se remet à consommer de l'alcool d'abord par pulsion, puis comme automédication, puis parce que plus le choix.

Oui mon aimé a entendu ma peine, le manque d'attention dont je me sens (à tort ou à raison mais visiblement à raison) dépérir, ma lutte quotidienne et archi fatigante pour ne pas prendre pour moi la multitude de petites remarques dues à l'irritabilité dépressive de mon conjoint. Il ne pouvait rien y faire visiblement, ce n'est pas la fête pour lui non plus.
Mais la réponse a été de m'enjoindre à voir rapidement mon médecin psychiatre
Ce que j'ai fait par ailleurs avec un doublement de mon traitement antidepresseur. De femme fatiguée qui avec sa particularité souffre de manière aigue d'une situation extra-ordinaire sur la durée, je suis passée à personne malade devant corriger de mauvais penchants par des soins chimiques.

Frères et soeurs en folie vous voyez ce dont je parle. Les fucking injonctions
"prends tes cachets"
"tu n'es pas en colère c'est ta maladie qui parle"
"parles-en à ton psy"
"il faut corriger ça"
Nos souffrances peuvent être massives (vmvc). Elles durent. Elles ne s'expriment pas joliment par de longs poèmes tristes et beaux sous la pluie. Il y a de l'alcool (ou autre), des larmes avec de la gnare et du spasme du sanglots, des reproches parfois, des cris, des comportements plus ou moins "choquants". On n'est pas des beauelles, on correspond pas à l'image romantisée du fou. Surtout les femmes parmi nou-e-s je crois, qui sont fantasmées très minces, très introverties, très languides. Aura de la mélancolie, de TCA hyper fantasmées et romantisées, de la meuf qui se suicide par amour (sans abimer son frele et beau corps)
Notre besoin de consolation est impossible à rassasier disait Stieg Dagerman. Cependant d'une part, là où nous cherchons les bras chauds de la consolation souvent nous trouvons un renvoi vers les froides clés à mollettes psychiatriques pour "réparer" "to fix" "arranger" notre cerveau (et nos personnes mêmes) d'autre part une terrible silenciation d'émotions légitimes vise à nous normaliser et à nous faire taire.

Nous fousolles sommes déconsidérés, parfois même infantilisés ou animalisés (consigne entre Infirmier-es de ne pas se contredire devant un-e usager-e de peine de lae perturber, comme on le dit en éducation face à de petit-e-s enfant-e-s, de notre besoin de cadre comme si nous étions en cours d'éducation, ou de dressage, de ne pas nous mentir parce que "ils le sentiraient" sic, entendu plusieurs fois)
L'expression et l'intensité atypiques de nos émotions semble invalider pour la masse des normauxles leur légitimité. La psychophobie s'exprime alors à plein, sous forme de peur, malaise, rejet, souvent bien policés et présentés comme conseils bienveillants. Ce paternalisme doublé de froideur réactive nous fait dépérir chaque jour plus.

Je prends deux fois plus de paroxetine pour que mon conjoint supporte ma réaction à son état que par ailleurs il ne traite pas.

mercredi 17 mai 2017

"Tu es très courageuse"

On m'a -très- souvent dit que j'étais "très courageuse" face à ma maladie psy.
Je suis tellement courageuse que je peux passer des mois sans me laver ni sortir de chez moi.
Je suis tellement courageuse que face à ma maladie j'ai essayé de mourir six fois.
J'en parlais une fois avec un ami qui était mucoviscidosique. Il n'était pas plus courageux que moi (ts en moins)
Les gen-tes... C'est juste qu'on n'a pas le choix.
C'est juste que la survie, le devoir-vivre nous pousse.
C'est juste qu'on a eu de la chance (de rencontrer de chouettes personnes, d'avoir eu un lieu de soin pas trop pourri, de pas avoir pris la "bonne dose" de medocs)
Dire qu'on est très courageux c'est dire qu'on est tout le temps, consciemment, et en plein consentement partant pour vivre et aller mieux, c'est dire que c'est toujours souhaitable pour nous, c'est dire aussi, mine de rien, qu'on a le choix entre la maladie et aller bien. Et qu'on a choisi d'aller bien. Parce que personne ne m'a jamais qualifiée de très courageuse dans des moments où j'allais très mal. Non là on me considère comme faible, gênante, devant se secouer, hashtag mes ami-es qui m'ont laissée parce que "je peux rien faire elle veut pas aller mieux"
Ca va aller le double discours ? Donner des tapes dans le dos de gen-tes qui vont bien en leur disant bravo, t'as réussi (??? à quoi au juste) c'est aussi leur dire qu'ils le pouvaient, qu'ils ont consciemment et à la force de la volonté travaillé pour aller mieux.
Alors certes on y travaille toujours, plus ou moins. Spoiler : personne aime souffrir la torture et personne aime aller mal hein. Mais simplement très souvent aller mieux on n'y peut rien, la volonté mon cul en papillote ça existe pas (ou alors dites aux gens fracturés de se lever et de marcher, marcher c'est de la volonté aussi) et recouvrer la santé est un ensemble defacteurs qui ont peu avoir avec le courage.
Donc tes compliments... garde les pour quand je vais très mal et me sens comme une merde.
Merci bisou merci