La fatigue peut être physique (manque de sommeil, beaucoup d'exercice, maladie, carence,...) ou psychique (je dirais à peu près les mêmes causes, mais psychiques)
Elles peuvent aller de pair, ou pas.
Je suis habituellement, hormis quelques bobos, en forme physique. Ma fatigue psychique par contre évolue au fil du mois, souvent 15j de pêche vs 15j de mollesse. Et, la plupart du temps, mon corps suit : quand je suis dynamique psychiquement, je peux faire à peu près toutes les activités que je veux, quand je ne le suis pas, le corps se contente de rester assis sur la chaise en scrollant des lolcats.
L'autre spécificité de la fatigue, qu'elle soit physique ou psychique, est qu'elle est subjective. Je dirais plutôt, en fait, qu'elle ne se mesure pas : tout juste pouvons nous dire "je suis fatigué-e, je n'ai pas dormi/ fait un trekking/bossé dix heures/whatever"
Ainsi communiquer sur son état de fatigue peut être délicat. Il y a le risque que la fatigue ne soit pas correctement prise en compte, qu'on trouve que j'en fais trop, me plains tôt, ou simplement qu'on oublie que je suis fatiguée une heure après l'annonce (ou 5 minutes hein)
Il existe la théorie des cuillères, mais je n'arrive pas à en retrouver dans ma mémoire la parentalité. Mise au point au départ il me semble pour les maladies chronqiues physiques, elle a été adaptée pour les TSA et au final pour tout le monde de pas dans le moule.
Disons qu'on a dix cuillères d'énergie par jour. Dix unités quoi, matérialisées par des cuillères. Pour une personne en santé, se lever le matin prendra une cuillère, se laver s'habiller deux, travailler quatre etc. Pour une personne en état dépressif ou en crise de SED, se lever prendra dix cuillères ou ne sera simplement pas possible : impossible donc, faute de cuillères (d'energie) de se doucher, travailler, ou bavarder avec ses potes. Ou alors on fait des choix : si je ne me douche pas, je peux sortir acheter le pain => le nombre de cuillère est de toutes façons limité.
Fatigue phy et fatigue psy se confondent souvent. A toustes on reprochera "la flemme" "une tendance à la procrastination" "le manque de volonté". La volonté n'existe pas, l'énergie oui.
On peut plus ou moins agir sur son état de fatigue. Un-e insomniaque pourra prendre des huiles essentielles en diffusion le soir, ou des hypnotiques, ou faire de la relaxation, ou se bourrer la gueule ou se défoncer pour pouvoir dormir, ou whatever, et ainsi grapiller 4h de sommeil par jour ou nuit et être un peu moins fatigué-e. Un-e algique chronique des mains pourra reporter sa prise de morphine de vingt minutes pour aller chercher un recommandé à la Poste, au prix de grandes souffrances. D'autres n'y pourront mais.
Mon conjoint a du mal à saisir cela. Lui même est dur à la douleur (diabetique insulino dependant, événements de vie délicats,...) et je dois dire très à l'écoute : il me croit quand je lui dis que je suis fatiguée.
Là où les choses se gâtent, c'est quand les deux fatigues se mêlent et se démêlent en sarabande.
Car actuellement je suis fatiguée physiquement. Cela fait une année que je me plains de fatigue chronique sans que je sache si ma fatigue est physique ou psychique au juste, ou les deux. Et toi qui es fatigué-e tu sais : les médecin-ne-s s'en tapent souvent pas mal.
Deux événements sont quand même parlant : mon père est mort en novembre dernier (deuil, fatigue psychique) , je me suis spontanément fracturé un pied (fatigue physique).
Or, pour la première fois de ma life, depuis deux jours, je suis hyper en forme psychiquement (toujours aux grands changements de saison, tournant de mon deuil etc), mais mon corps reste complètement crevé, avec des vertige et une énergie à Z.
Et voilà où je me frustre et où l'aimé s'énerve, et où je comprends mieux les malades phy chrniques : je me lance dans plein de trucs mais je suis HS au bout de cinq minutes maximum.
Mon corps est pas ok avec mon activité psychique.
Ma tête tourne, je sens mes jambes peser des centaines de kilos, mais je veux gambader partout, laver a fond la poubelle ménagère, recurer le four et faire l'amour comme une bête.
En gros j'ai vingt cuillères psychiques et deux cuillères physiques.
"Mais tu es en forme" dit l'aimé. "Oui, j'ai le moral mais je suis fatiguée"
ET voilà, je n'ai plus qu'à lui faire lire l'article. Fatigué-e-s de tous les pays unissons nous
mardi 22 mai 2018
Validisme en milieu PA/NA ?
Dans le milieu militant psychoatypique et neuroatypique on compare souvent les affections psychiques et physiques pour dire qu'en gros on ne nous dirait pas autant de conneries ("fais du sport" "bois de la tisane" "fais de la meditation/du yoga/un régime sans lactose" "fais pas ton intéressant-e") et je dois dire que ça nous fait du bien.
Genre les normauxles se rendraient compte si on tétait en fauteuil roulant/avec un platre/whatever.
Or non, mes pote-sse-s, nous nous trompons je crois.
Je navigue un peu sur des groupes, sites, blogs, de personnes à "mobilité réduite", vivant avec une maladie chronique/orpheline, des douleurs chroniques.
On leur sort la même merde, tout le temps.
Les valides normopathes leur disent de se bouger, de faire des cataplasme d'argile verte, de prier, de pas faire chier, d'être inspirant-e-s, d'êtres UTILES (comprendre performant-e-s dans un taff rémunéré), bref de fermer leur gueule et crever en silence si possible.
Pour beaucoup nous PA sommes physiquement valides. Et, non concerné-e-s, nous ne nous rendons pas compte.
Et nous disons, halala, si ma pathologie/mon handicap était somatique, on me traiterait bien.
C'est dire à nos frères et soeurs handi-e-s "vous avez bien de la chance, vous on vous écoute/soigne/aide"
Trois fois non. Je prône la cessation de l'utilisation de cette comparaison stérile, et offensante à mon sens envers les handi-e-s/malades chroniques/algiques chroniques, et la convergence de nos luttes. Surtout qu'il est possible de cumuler.
T'en penses quoi ?
lundi 21 mai 2018
"Vous et Nous" Nous sommes parmi vous
Des deux bords de la psy (être fol, être soignante) j'entends parler de "eux et nous" "vous et nous". Vous les soigné-e-s nous les soignant-e-s.
De la part des soignant-e-s ça peut être très violent. Je me rappelle d'un Noël passé en HP. Pour marquer le coup l'équipe avait préparé toasts au pâté et autre et jus de fruit pour boire l'apéro avant le repas un peu amélioré servi par les cuisines à tous les services. Celleux qui ont vécu les fêtes à l'hosto savent : on est peu nombreuxses en tant qu'usager-e-s, tout le monde fait un peu la gueule, est un peu plus fragile, et on était une demi douzaine autour des tables rassemblées en gros carrés.
Une ASH suûrement avec la lose de travailler le 24 Décembre au soir faisait un peu la gueule et nous admonestait d'attendre "que tout le monde soit là", c'est à dire un usager qui avait un peu disparu (il était allé consommé en ville en fait) et deux infirmières qui finissaient de ranger le chariot de médicament. Festif de se faire aboyer dessus, et si elle n'était pas ravie de TAFFER le soir du réveillon, elle n'aurait pas dû nous le faire subir à nou-e-s qui ETIONS HOSPITALISES le soir du Réveillon.
Bref un patient fort psychotique et dans son monde a pris un toast, j'ai fini par faire pareil (on attendait de dammer depuis une heure, j'étais fatiguée, je voulais aller me coucher) et cette ASH a hurlé "ON VOUS A DIT D'ATTENDRE ! J'en ai marre, avec eux on peut jamais faire les choses bien"
OK
Je me suis levée, suis allée sur une chaise attendre le traitement de nuit et l'ouverture des chambres (parce que dans ce service on nous enfermait hors des chambres, soit disant pour qu'on larve pas toute la journée et dorme pas la nuit), je n'ai pas mangé, et j'ai contenu très fort mon envie de balancer une chaise contre une fenêtre pour éviter d'en plus de Noël passer la Saint Sylvestre sanglée en chambre forte.
La violence.
Aucune infirmière ne l'a reprise (parce qu'on critique pas un soignant devant les patients), aucune n'est même venue me voir pour me proposer quoi que ce soit, me demander quoi que ce soit ni pourquoi je refusais de manger. Le corporatisme.
Eux.
Nous.
Ici la ligne, comme la ligne de confidentialité à la pharmacie.
Eux ce sont des fols, nous nous sommes des normaux.
Nous on bosse, eux ils sont payés à glander et en plus ils nous font chier ils sont demandeurs.
Bref.
Cependant de par le respect (qui se dilue heureusement mais qui semblait inné voilà encore quelques années) envers le corps médical et para médical, les failles des fols, nos traumatismes passés, l’habituation à la maltraitance institutionnelle, le fait qu'aucun-e soignant-e n'avouera qu'un-e de ses collègue a déconné, que le médecin est un trou duc etc... Nous aussi nous mettons cette frontière.
Il y a nou-e-s, les pas normaux, les brindzingues, les hospitalisé-e-s, les cassé-e-s, les lumineuxses, les fort-e-s à foison, les originauxles, les pertinent-e-s, il y a nou-e-s et il y à eux.
Hors il y a des eux chez nous et des nous chez eux, la frontière n'est que mentale.
Par exemple je suis infirmière retraitée, et malade schizo rétablie, avec un parcours en psy un peu plus long que ma carrière de soignante.
Par exemple mon pharmacien, Mr Z est phobique social, alors qu'il est Dr en Pharmacie et possède son officine. A chaque client-e qui entre il fait une petite attaque de panique.
Par exemple le chef de service de l'unité voisine de celle où j'ai travaillé était dépressif mélancolique. Il n'en parlait pas, il ne se mentalisait pas malade. ET puis il a parlé de plus en plus de la mort. Ses confrères médecien-e-s n'ont pas voulu lui imposer de traitement ou d'hsopit à lui parce que quand même c'est un grand psychiatre. Au final il s'est pendu dans son bureau. Des nous meurent de se croire uniquement eux, des nous meurent d'être eux et pris pour eux, donc normal, donc a "protégé" (lol de pierre)
Par exemple des usager-e-s meurent parce que eux pensent que nous racontons de la merde et ne s'occupent pas des symptômes somatiques que nous décrivons.
Mais nous, nous sommes partout. Il existe des député-e-s alcoolo dependants, des patissiers bipolaires, des infirmières schizo affectives, des médecins psychiatres mélancoliques, et des fous hospitalisés infirmiers, architectes, ouvrier-e-s, sociologue ou archéo.
Vraiment si une chose est dans la tête c'est pas la souffrance (blague éculée) mais la barrière entre elleux et nou-e-s. On ne sait pas toujours si notre boulanger n'a pas été arrêté six mois pour telle ou telle raison psychique et n'est pas revenu faire son bon pain sans paraitre fou. On est parmi eux. Parmi les soignant-e-s et dans toute la société. Dans tous les corps de métiers. On est dans l'armée, dans la police, dans l'assemblée, en bibliothèque, dans les écoles, les facs. Nous sommes partout.
Notre regard sur eux et nous, je nous invite à le modifier, prendre un autre point de vue. Un peu à la "les fous dominent le monde". Les fous aussi construisent le monde, éduquent, enseignent, soignent, pansent, opèrent, dirigent, sont dirigé-e-s.
Nous sommes infiltré-e-s.
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