J'étais infirmière, j'ai eu à demander ma retraite anticipée pour invalidité en raison de mes troubles psychotiques à l'âge de 41 ans. Dans le même temps, ce qui est une coïncidence, je me suis installée chez mon compagnon, qui travaille à l'extérieur et ai proposé (presqu'imposé) le fait que je me charge des tâches ménagères. Le fait de ne pas avoir de travail rémunéré n'est donc pas un plein choix (même si j'aurais pu tenter une quatrième adaptation de poste ou une reconversion) mais le fait d'assumer le travail à la maison l'est.
Je suis par ailleurs féministe.
Je souhaite parler dans ce billet de la conjonction de ces facteurs.
Pour nous femmes féministes le travail à la maison n'est pas péjoratif, même si nous militons contre le fait que les femmes l'assurent en grande majorité. La grosse nuance est que ce n'est un travail ni rémunéré ni valorisé socialement, par contre indispensable à la vie du foyer et de la société. Pendant que les femmes récurent les chiottes, les hommes n'ont pas à le faire et ont donc du temps et de l'énergie à investir dans la sphère publique et sociale, voilà en très gros le propos.
Ce dont je me suis pleinement rendue compte en travaillant à la maison : quand nous (couple cishet, ok) voyons des ami-es, mon compagnon peut parler de son taff, de ses recherches, ses problèmes avec les collègues, ses succès professionnels et recueillera intérêt, estime, compassion. Moi, je peux difficilement parler de ma cuvette de toilette éclatante grâce aux galets effervescents que je fabrique moi-même ou de mes draps de lits pas au top au contact malgré assouplissant et repassage. Enfin, je peux, mais tout le monde s'en tape.
Pourtant, je retire de grandes satisfaction et un vrai épanouissement dans ces tâches et il ne me viendrait pas l'idée de reprocher quoi que ce soit à ma moitié, ou à nos ami-es. Les choses sont ainsi, c'est culturel, social, systémique et ce n'est pas parce qu'une action n'est pas mise en lumière que c'est de la merde.
Le ménage demande organisation, maitrise de techniques et de produits (des bases en chimie, en physique), savoir faire. Et comme face à un juteux contrat signé, on peut être complètement satisfait-e et accompli-e devant un foyer propret et agréable à vivre.
Je ne me sens pas rabaissée de m'en charger. C'est le travail que j’accomplis pour moi-même (oui, je sais, seul-e il faut le faire aussi - mais en couple il faudrait en faire moitié moins), mon compagnon, notre couple et la communauté - la société.
Il s'avère donc que je suis psychotique (le fait qu'il s'agisse de troubles schizo-affectifs ou de ce qu'on appelait autrefois une psychose maniaco dépressive est questionné en ce moment), ce qui est mon talon d'achille pour un travail rémunéré. C'est loin d'être le cas pour toutes les personnes vivant avec ces troubles, mais c'est ce qui m'empêche de travailler à l'extérieur et aussi de soutenir moralement comme je le souhaiterais l'homme que j'aime. Il est mon pilier, s'il vacille, je tremble. Je trouve d'autres ressources extérieures, comme mon infirmière référente au CMP, ou des cachets en plus, ou des proches, mais je ne suis pas aussi soutenante que je le voudrais. Me charger de notre ménage est aussi ma manière de le soutenir au quotidien, de m'occuper de lui, en plaçant dans mes routines une grande part à son plaisir de trouver, manger, telle ou telle chose. C'est pour moi une belle manière de prendre soin de l'autre, d'aller vers une relation plus symétrique dans ce que l'on s'apporte l'un à l'autre.
Je ne pense pas que toustes les psychotiques m'en voudront si je dis que nous sommes plus fragiles que les NT, avec besoin de davantage de soutient, d'étayage, en tout cas sur le moyen et long terme.
Pour en revenir au féminisme, il me semble que nous devrions (mais sans dout est-ce déjà fait...?) creuser davantage le pouvoir (l'empowerment) lié au travail ménager et ce qu'il implique dans le couple, le groupe, la société. Pas seulement dans ce que j'ai décrit sur la satisfaction d'avoir fait du bon travail, mais dans le contrôle de l'organisation du foyer (du couchage aux repas, aux comptes, à l'éducation des enfants), dans les choix de mode de vie, et sur la force des liens de sororité : je n'ai jamais connu complicité et soutien entre femmes que sur les groupes FB de rangement, ménage... et certainement pas sur les groupes féministes où nous sommes très violentes entre noues. J'ai vraiment eu l'impression de découvrir le monde secret mais si capital des femmes, dans tous les aspects de la vie.
En fait pour avoir un espace non mixte bien vécu par tout le monde il faut parler récurage de salle de bain
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