Tout d'abord je ne suis pas fan de taper perpétuellement sur les parents, particulièrement s'iels sont fols.
Mais quand même, il leur arrive d'être déconnant-e-s. Ou maltraitant-e-s (j'inclus la maltraitance par négligence et psychologique)
Dans ma (longue) carrière d'usegère de la psy j'ai le plus souvent entendu des explications aux comportements chelous de mes parents ("il etait depressif" "elle est pas rassurée donc pas rassurante" "elle était jalouse/angoissée")
Alors OK, ça part souvent d'une bonne intention : expliquer pour désamorcer le désarroi, comprendre un comportement défaillant (et on a toustes des failles, parent-e-s compris-e-s), améliorer la relation (otxique et douliureuse) faire la paix avec autrui donc soi même.
Mais.
Mais durant 20 ans de ce discours ça m'a servi à rien. Parce qu'à côté de ça mes plaintes n'étaient pas écoutées.
Bien sûr qu'à 25 ou 30 ans on comprend que sa maman était malade, que son papa était triste, que sa soeur était jalouse, que les humiliations, négligences, mots durs, coups éventuels peuvent s'expliquer.
Mais ça change quoi au fait qu'un jour on a eu trois ans, qu'on n'y comprenait rien et qu'on a vécu les choses comme traumatisantes, qu'à 8 ans on a aucun recul et que les choses vécues ont bel et bien été vécues et ont laissé des traces. Ca change quoi au fait que je me suis trainé un PTSD complexe que personne a jamais pris la peine de diagnostiquer.
Sans parler de la question du stigmate de la schizophrénie imbibée de psyk qui fait dire à moult soignant-e-s que les schizo se sentent persécuté-e-s par papa maman ?
Nan mais c'est pas parce que je suis parano que personne ne m'en veut.
Donc oui j'ai trainé ça comme un boulet, me sentant pas entendue dans ma douleur (légitime) me sentant chargée de culpabilité (avec en plus le discours sur les parent-e-s qui souffrent tellement que leur enfant-e soit malade et il faut bien les comprendre) et me sentant obligée de comprendre et pardonner avant même d'avoir pu évacuer les moments douloureux, les mots qui restent gravés à jamais, les soirées passées seule dans la petite enfance.
Il m'a fallu attendre mes 35 ans pour qu'une psychologue reçoive mes plaintes. Alors ça a été 1 an de plaintes. Et elle écoutait. Et elle me laissait retourner dans le passé. Et elle utilisait des outils de pedo psy avec moi parce que durant les séances j'étais enfant. Et elle a prononcé le mot "maltraitance". Et elle a été la première à me dire que ma mère avait peut-être pas été une si bonne mère que ça sans m'encombrer des pourquoi.
Chacun-e a ses pourquoi. J'ai jamais interrompu mes relations avec mes daron-ne-s même si ça a souvent été conflictuel et toxique. Cette psychologue a été la première à me dire que peut-être le problème venait pas exclusivement de moi et de ma maladie (qui trouvait plutôt de ses sources dans le passé)
Expliquer, c'est bien. Ca aide. Mais après. Après nous avoir laissé chialer pendant un an, deux ans, deux mois. Après nous avoir dit eh oui ça en fait de la souffrance, je l'accueille et je vous console.
Une fois que tout ça a bien été entendu on peut construire sur quelques bases, reconnaitre les failles, savoir que c'est simple pour personne et que nul-le n'est clivé-e en blanc et noir. Après vient l'apaisement.
Après.
Srx j'en ai marre de devoir comprendre tout le monde, tous les NT de la terre dans leurincomprehension de moi. J'ai laissé tomber personne me comprend. Mais les NT se comprennent pas non plus entre elleux. Je peux juste partager des experiences de vie et intrapsychique avec mes pairs qui ont vécu des choses proches.
Mais fuck quoi, entendre pendant 20 ans que ma maman est fragile et a fait deson mieux et que j'abuse t suis paranoïde quand j'en parle jpp.
Maintenant ça va. Mon père est mort et les ardoises avaient été réglées. Je me permets de ne pas pardonner certains mots, sans me sentir coupable. Il était comme ça, il m'a jamais laissée tomber non plus. Ainsi va la vie ainsi sont les gen-te-s.
Mais "expliquer" en premier lieu sert à rien. Comme ça servirait à rien d'expliquer en premier lieu à une victime de viol que le violeur est pris dans un fonctionnement sociétal qui le dépasse sûrement et que bon la société est misogyne et blibli la culture du vio. Quand on est trauma osef.
On veut juste être écouté-e-s. De toutes les oreilles. Et qu'on nous dise que ouej ça a été dur mais que tout ça était pas mérité et fait pas de nous de mauvaises personnes. Des mots simples qui coutent pas cher, et la mentalisation en second lieu.
vendredi 20 septembre 2019
vendredi 13 septembre 2019
Les colères d'une fol
Je suis une femme (cis). Des millénaires de bourrage de crâne à coups de trépanations s'il le fallait m'ont appris qu'il était préférable de ne pas trop l'ouvrir.
Je suis une fol. Pendant l'Inquisition, on torturait les "femmes acariâtres". Depuis des siècles et notamment le XIXe XXe on nous apprend que notre colère est du fait de notre folie.
Je précise que je suis une personne gentille et docile, soumise, plus même qu'une autre personne afab de base.
Ce n'est pas une vantardise, je ne considère pas cela vraiment comme une qualité ou quelque chose de réfléchi ou de décidé, comme une belle éthique.
J'ai été une petite enfant médicament, ai connu des séparations très précocément, depuis mes trois quatre ans je m'écrase et veille à ambiancer et gâter toute personne proche dans la terreur de la perdre.
La seule psychologue que j'ai consulté qui a pris la peine d’écouter mes plaintes et de les recevoir avant de me dire que Machin et Bidule elleux mêmes étaient pas rassuré-e-s donc pas rassurant-e-s (ce qui est accessible à 30 ans mais ne change rien au vécu d'angoisse extrême subi dans la petite enfance, qui est à entendre et rassurer avant de trouver des explications et des excuses aux tuteurices) m'a pointé que c'est logique ou une réaction logique de tenter de colmater le parent quand on est à peine plus que bébé, car de sa santé mentale et son humeur, notre propre survie aussi bien materielle qu'affective depend.
Un autre psychologue plus tonique mais intéressant rencontré plus récemment m'a fait remarquer que maintenant j'ai 43 ans et ne suis plus obligée de fonctionner ainisi si ça ne me convient pas.
Bref je suis une meuf, je suis fragile, je m'écrase, je suis gentille.
Mais si cette attitude persiste c'est aussi car mes expressions de colère (fréquentes a l'adolescence et a l'adulescence) sont doublement stigmatisées : une femme doit être pondérée, une fol s'enerve pour rien, elle délire, elle est "persécutée".
Je vis une relation cis hetero avec ce que ça implique comme rapport de domination (et ce quel que soit le mec cis, deconstruit ou pas, arrêtons de nous mentir et de ne voir des oppresseurs que dans les mascus) Je suis en retraite anticipée. Je suis handicapée. Je suis schizo. Je suis cisbie (mais ici ça ne compte pas)
Il est diabétique, a eu un passé on va dire compliqué, est NT et valide, blanc et cishet. Et cadre.
Je suis feministe. Je suis radicale. Je suis matérialiste.
Je suis suivie au CMP où psychologue comme infirmière m'invite à "déposer mes émotions" comme si les émotions étaient des paquets qu'on pouvait s'enlever de la tête pour les stocker ailleurs.
Quand on a lu tout ça on comprend que parfois, je suis en colère. Tout le monde est en colère parfois. J'ai ma rage de base des féminicides, de la non marche du monde, des violences oppressives (desquelles je participe etant cis et blanche, éduquée ou non), de la merde partout tout le temps qui se deverse à chaque flash info.
On va dire la base.
Mais je suis gentille alors dans le couple je fais comme on dit des "collections de timbres" de micro violences, micro contrariétés, micro fermages de gueule, des dizaines, des centaines, tout le temps.
Parce que j'ai peur des conflits. Parce que j'ai peur de tout perdre. Parce que j'ai peur de tout. Parce que les cris me foutent laz trouille. Parce que ma colère peut me passer en mode berserk (c'est déjà arrivé)
Cependant parfois la coupe est pleine et elle déborde (et pas que de sang menstruel) Je m'engueule peu avec mon conjoint (il n'aime pas ça, il quitte la conversation comme il me muterait sur un groupe fb) J'exprime ma colère au CMP. Les petits trucs. Mais aussi les gros. Je suis parfois furieuse. Parfois je dis que je vais me barrer et vivre seule avec mes chats et être oklm. Plus j'y pense sur cette dernière année plus c'était légitime.
Et puis je ne fais que faire ce qui m'est demandé : déposer mes émotions.
Mais je m'entends répondre "il devient votre persecuteur" ( = vous êtes parano). Je m'entends répondre par mon conjoint que ça suffit les sautes d'humeur qu'il faut en parler avec l'infirmière. Je m'entends répondre qu'il faut que je me dépense physiquement pour évacuer cette énergie malvenue et inappropriée.
Je suis pathologisée.
Je suis une femme fol en colère, je suis pas crédible.
Je suis misandre, c'est insoutenable (litteralement)
Je suis renvoyée à mes quatre ans quand je me fâchais, rarement, sans doute à raison et qu'on se moquait de cette émotion jusqu'à ce que je passe à l'acte violemment. Depuis, je suis "méchante, colérique, tu cassais tout".
Je ne suis plus un être humain qui a des raisons d'être vnr, je suis une femme donc je dois être calme aec mon conjoint parce que rien de mieux que la communication positive et non violente (que ces messieurs ne nous rendent pas)(etq ue la charge émotionnelle c'est pour notre gueule)
Je ne suis plus un être humain qui a des raisons d'être vnr je suis une fol en habit de folie, proche ou dans le délire.
Oh ben je savais déjà, j'ai tenté et puis j'ai appris (je peux me montrer patiente et même obtuse mais ça finit par rentrer). La colère passe dans 4h de menage, une heure de vélo, 400 balles d'achat sur internet ou un litre de bière. Ca reste entre moi et moi au mépris de ma santé.
Mais hey, je suis fonctionnelle et une bonne compagne et une bonne fol bien rangée :). TVB.
Je rêve si souvent de tout passer au lance flammes et de couper des têtes. Et que purin on m'applaudisse pour ça.
Je suis une fol. Pendant l'Inquisition, on torturait les "femmes acariâtres". Depuis des siècles et notamment le XIXe XXe on nous apprend que notre colère est du fait de notre folie.
Je précise que je suis une personne gentille et docile, soumise, plus même qu'une autre personne afab de base.
Ce n'est pas une vantardise, je ne considère pas cela vraiment comme une qualité ou quelque chose de réfléchi ou de décidé, comme une belle éthique.
J'ai été une petite enfant médicament, ai connu des séparations très précocément, depuis mes trois quatre ans je m'écrase et veille à ambiancer et gâter toute personne proche dans la terreur de la perdre.
La seule psychologue que j'ai consulté qui a pris la peine d’écouter mes plaintes et de les recevoir avant de me dire que Machin et Bidule elleux mêmes étaient pas rassuré-e-s donc pas rassurant-e-s (ce qui est accessible à 30 ans mais ne change rien au vécu d'angoisse extrême subi dans la petite enfance, qui est à entendre et rassurer avant de trouver des explications et des excuses aux tuteurices) m'a pointé que c'est logique ou une réaction logique de tenter de colmater le parent quand on est à peine plus que bébé, car de sa santé mentale et son humeur, notre propre survie aussi bien materielle qu'affective depend.
Un autre psychologue plus tonique mais intéressant rencontré plus récemment m'a fait remarquer que maintenant j'ai 43 ans et ne suis plus obligée de fonctionner ainisi si ça ne me convient pas.
Bref je suis une meuf, je suis fragile, je m'écrase, je suis gentille.
Mais si cette attitude persiste c'est aussi car mes expressions de colère (fréquentes a l'adolescence et a l'adulescence) sont doublement stigmatisées : une femme doit être pondérée, une fol s'enerve pour rien, elle délire, elle est "persécutée".
Je vis une relation cis hetero avec ce que ça implique comme rapport de domination (et ce quel que soit le mec cis, deconstruit ou pas, arrêtons de nous mentir et de ne voir des oppresseurs que dans les mascus) Je suis en retraite anticipée. Je suis handicapée. Je suis schizo. Je suis cisbie (mais ici ça ne compte pas)
Il est diabétique, a eu un passé on va dire compliqué, est NT et valide, blanc et cishet. Et cadre.
Je suis feministe. Je suis radicale. Je suis matérialiste.
Je suis suivie au CMP où psychologue comme infirmière m'invite à "déposer mes émotions" comme si les émotions étaient des paquets qu'on pouvait s'enlever de la tête pour les stocker ailleurs.
Quand on a lu tout ça on comprend que parfois, je suis en colère. Tout le monde est en colère parfois. J'ai ma rage de base des féminicides, de la non marche du monde, des violences oppressives (desquelles je participe etant cis et blanche, éduquée ou non), de la merde partout tout le temps qui se deverse à chaque flash info.
On va dire la base.
Mais je suis gentille alors dans le couple je fais comme on dit des "collections de timbres" de micro violences, micro contrariétés, micro fermages de gueule, des dizaines, des centaines, tout le temps.
Parce que j'ai peur des conflits. Parce que j'ai peur de tout perdre. Parce que j'ai peur de tout. Parce que les cris me foutent laz trouille. Parce que ma colère peut me passer en mode berserk (c'est déjà arrivé)
Cependant parfois la coupe est pleine et elle déborde (et pas que de sang menstruel) Je m'engueule peu avec mon conjoint (il n'aime pas ça, il quitte la conversation comme il me muterait sur un groupe fb) J'exprime ma colère au CMP. Les petits trucs. Mais aussi les gros. Je suis parfois furieuse. Parfois je dis que je vais me barrer et vivre seule avec mes chats et être oklm. Plus j'y pense sur cette dernière année plus c'était légitime.
Et puis je ne fais que faire ce qui m'est demandé : déposer mes émotions.
Mais je m'entends répondre "il devient votre persecuteur" ( = vous êtes parano). Je m'entends répondre par mon conjoint que ça suffit les sautes d'humeur qu'il faut en parler avec l'infirmière. Je m'entends répondre qu'il faut que je me dépense physiquement pour évacuer cette énergie malvenue et inappropriée.
Je suis pathologisée.
Je suis une femme fol en colère, je suis pas crédible.
Je suis misandre, c'est insoutenable (litteralement)
Je suis renvoyée à mes quatre ans quand je me fâchais, rarement, sans doute à raison et qu'on se moquait de cette émotion jusqu'à ce que je passe à l'acte violemment. Depuis, je suis "méchante, colérique, tu cassais tout".
Je ne suis plus un être humain qui a des raisons d'être vnr, je suis une femme donc je dois être calme aec mon conjoint parce que rien de mieux que la communication positive et non violente (que ces messieurs ne nous rendent pas)(etq ue la charge émotionnelle c'est pour notre gueule)
Je ne suis plus un être humain qui a des raisons d'être vnr je suis une fol en habit de folie, proche ou dans le délire.
Oh ben je savais déjà, j'ai tenté et puis j'ai appris (je peux me montrer patiente et même obtuse mais ça finit par rentrer). La colère passe dans 4h de menage, une heure de vélo, 400 balles d'achat sur internet ou un litre de bière. Ca reste entre moi et moi au mépris de ma santé.
Mais hey, je suis fonctionnelle et une bonne compagne et une bonne fol bien rangée :). TVB.
Je rêve si souvent de tout passer au lance flammes et de couper des têtes. Et que purin on m'applaudisse pour ça.
mercredi 11 septembre 2019
Diagnostic : une annonce libératrice ?
Mon cas est quelque peu particulier puisque je suis restée dans le déni de ma schizophrénie durant dix ans après l'annonce du diagnostic (cf le premier billet de ce blog)
Avant l'annonce des mots "Troubles schizo-affectifs" je suis restée dans une errance diagnostique de 15 ans. Voire davantage si l'on considère que j'ai été une enfant très anxio depressive et phobique sociale, mais que comme mes résultats scolaires allaient bien et que dans les années 80/90 on n'emmenait les enfants consulter qu'en cas d'impact grave sur la vie quotidienne et/ou scolaire, c'est passé à l'as (bien qu'ayant été signalé par des institutrices, profs de sport extra scolaire, remarqué par mon père notamment et qu'il y ai eu des alertes comme une fugue à l'âge de 11 ans)
Je suis psychiatrisée de ma volonté depuis l'âge de 17 ans, début des troubles on va dire bruyants. Une TS suite à une rupture amoureuse, une augmentation de ma conso d'alcool et de stupéfiants (ayant commencé entre 13 et 15 ans), des troubles affectifs et du comportement et des idéations délirantes autour du corps (dont je n'ai commencé à parler que récemment) et de jalousie pathologique (ayant ruiné toutes mes interactions romantiques jusqu'à mes 38 ans)
Depuis ce moment là j'ai connu une série de diagnostics divers et variés : névrose d'angoisse, "troubles graves de la personnalité de type narcissique et pervers", TPB ("vous êtes un cas comme dans les livres"), schizophrénie paranoïde, psychose maniaco depressive (aujourd'hui on dit bipolaire type I)
Généralement je me gardais de poser la question du diagnostic et les psychiatres se montraient avares en renseignements. Chaque diagnostic évoqué me mettait en fureur et motivaient la rupture avec lae thérapeute.
A vrai dire je ne l'ai demandé qu'au Dr B., que j'ai déjà évoqué, un psychiatre chef d'HP qui me connaissait bien, usait d'un petit paternalisme affectueux qui me rassurait et m'a sauvé la vie plusieurs fois en m'accueillant à l'arrache dans son hôpital (par ailleurs lamentable mais soit, j'étais coupée des produits et mise sous Risperdal ce qui me retapait en quinze jours).
Le diagnostic de TPB c'était lui. A l'époque (je dirais 1997) il se disait que ces troubles ne pouvaient pas se soigner, n'avaient pas de traitement, que les personnes vivant avec mouraient précocément de mort violente, mais que si la survie était assurée ça pouvait se lisser à la quarantaine. Quand on a 22 ans ça fout les boules. Un avenir incertain, une seule perspective de soin : se faire mettre une solide camisole chimique en esperant atteindre péniblement la quarantaine puis commencer une "nouvelle vie" plus calme mais ravagée de tout. Et il se disait, comme il se dit toujours hélas et à tort, que les personnes vivant avec ce trouble étaient spécialement chiantes et ingérables.
Je m'imaginais donc que mes productions délirantes et hallucinatoires étaient dues aux toxiques ingérés en masse et que la seule sobriété les résolvait, ce qui me faisait arrêter le Risperdal dès que je mettais un pied hors de l'hôpital. La boucle se rebouclait environ une fois par an, avec chaque fois des rechutes plus violentes doublées d'incurie, une présentation lamentable sur mon lieu de travail et un dossier se montant contre moi de plus en plus étoffé, dans mon dos, échappant à toute évaluation annuelle de la cadre, sachant que la psychophobie des soignant-e est plus aigue encore quand la folie touche un-e autre soignant-e (ça devient très inquiétant sur sa propre santé mentale)
Bref, meanwhile in HP, je redemande un jour au Dr B. de quoi je souffre. Il me lâche les mots de "troubles schizo-affectifs". N'en ayant eu aucune connaissance durant mes études ni sur mon lieu de travail (je crois que c'est un terme de Bleuler remis au goût du jour dans les années 2000, date a laquelle j'étais déjà reclassée) je ne savais pas de quoi il s'agissait. C'est en toute simplicité que j'ai dit "et c'est quoi ?"
Note : Le Dr B etait de cette école hélas répandue selon laquelle il ne faut pas annoncer un diagnostic à un-e usager-e sous peine qu'iel s'identifie à la pathologie, regresse dedans et n'ai plus jamais aucune autre identité.
Il a marmonné un truc très vague sur les troubles affectifs et "un petit côté bipolaire".
Je me suis gardée d'en demander plus. Je me trainais alors une culpabilité intense et un enorme sentiment de secret refoulé avec tous les fantasmes et délires que cela peut déclencher (inceste ? Fausse paternité ? Secret familial honteux ? Trauma refoulé durant l'enfance ?)
en 2010, fraichement remise d'un episode maniaque puis melancolique (la routine, en plus fort) j'ai googlé le terme. Seul Wikipédia m'a répondu qu'il s'agissait d'une forme de schizophrénie. "Allons bon" me suis-je dit. Wikipédia regorge de connerie. Par ailleurs j'écume les internets depuis tout ce temps et les resources sur les TSA sont plus que rares.
Au décours d'une cure de sevrage alcoolique j'ai été sevrée d'une partie de mon traitement psychiatrique et ai traversé une thérapie de groupe qui, à mon avis, a été trop rapide et violente rapport à ma fragilité. Nous prenions à chaque séance tour à tour la parole, quand ça a été mon tour j'ai longuement parlé de ma mère, une questiona été posée (inhabituel) et la psychologue a déclaré "la question qui est à se poser est 'pourquoi julie n'accède-t-elle pas au second degré ?'"
Cette phrase disait deux choses : une negation totale de mon vécu de maltraitance psychologique ("ce ne sont que des blagues") et le diagnostic de schizophrenie (il est bien connu que nous n'avons pas accès au second degré trololol)
Je me suis redressée outrée et ai dit "j'ai accès au second degré, je ne suis pas... oh wait" et la lumière fut.
Immédiatement deux choses se sont produites : d'une part une décompensation catatonique impressionnante et immensément douloureuse, d'autre part un soulagement intense. Mon lourd secret, c'était être schizophrene. Ce n'était que cela. Il n'y avait rien d'obscur, il n'y avait rien d'irrémédiable, il n'y avait pas de malédiction ancestrale. Au passage pro tip pour les soignant-e-s et les proches : une personne catatonique n'a pas accès a l'expression verbale ou même corporelle, mais c'est pas pour ça qu'il ne se passe rien dans la tête. Je luttais aprement contre un flot constant d'informations brutes, de type 01001100001010111, d'un agacement au level insupportable (être enfermé-e une heure avec un-e mâcheureusede chewing gum quand on est misophone puissance 10000) et d'une douleur psychique insupportable, pour laquelle il n'existe pas de mots. Je suis toujours incapable de la décrire. Plus une mise à jour crue et absolue du fin fond de l'inconscient, une lucidité absolue et extreme, j'ai oublié, mais c'était pas très joli. En gros on souffre (immensément) en silence (total). Je pense même que la lutte pour survivre psychiquement demande tellement de patate qu'elle interdit toute autre forme de quoi que ce soit.
Bref, suite à cela j'ai demandé au Dr B. comment faire pour que plus jamais ça. On a passé le Risperdal en injection retard. J'ai suivi une psychothérapie auprès d'une super psychologue, de trois ans. J'ai noté tous les signes annonciateurs de rechute et les ai transmis à mon conjoint tout neuf. J'ai arrêté de travailler. Travailler tue, pour moi. Je vis un burn out au bout de six mois de plein temps, et c'est la rechute alcoolique puis psychiatrique.
Savoir que je suis schizophrene a été pour moi une libération, un mot, un contexte, un concept, un sens. J'ai trouvé d'autres personnes schizophrenes dans les arcanes du ouebe. D'autres "schizonormales" (lucides des troubles ou de la aprticularité, selon comment on se définit). J'ai lu, des blogs, de sgroupes, j'ai milité, j'ai appris, j'ai trouvé une partie d'identité (je me définis maintenant comme fol, que je porte avec fierté) J'ai adhéré à un CMP (avec du bol car c'est un CMP avec une équipe de qualité) Ma vie s'est stabilisée. Je n'ai plus jamais été jalouse.
Peut-être... Peut-être que si étant en possession du diagnstic le Dr B. me l'avait livré en temps réel. Peut-être que s'il m'avait expliqué. Peut-être que s'il m'avait dit qu'etre schizo c'est pas grave, que des tas de gen-te-s vivent bien avec. Peut-êtr que mes couilles sur ton nez ça fait une cheminée, ouais, je sais.
Mais please les soignant-e-s. Parlez. Annoncez et surtout accompagnez le diagnostic. Ne restez pas distributeurs d'ordonnance, eduquez. Pour moi savoir que j'étais schizophrene a été une vraie libération. Un vrai sens. Une vraie partie de moi, non honteuse. Que je partage avec je crois 1% de la population. Qui se traite si on le souhaite. Qui s'accompagne. Qui se conçoit et se comprend.
Ne nous laissez plus dans le noir.
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