samedi 16 juillet 2016
Mes mots sur des épisodes
J'ai fait plusieurs tentatives et longuement hésité avant de tenter dans ce billet de poser des mot sur mes vécus de crises aiguës ou longues. D'abors sans être sûre de l'utilité - mais je le fais à toute fin utile, parce qu'On me dit "je ne comprends pas" (et pourquoi quelqu'un-e pourrait-iel ou devrait-iel comprendre exactement ces vécus ?), que ce n'est pas par fascination, que nous fou-olles sommes peu entendus et que les mots posés le sont tous de l'extérieur et que plus je lis des articles sur les schizophrénies et particulièrement les troubles schizo-affectifs plus je juge que cela manque. L'observation de l'extérieur n'est pas celle de l'intérieur, évidemment.
De plus les mots manquent pour décrire des phénomènes intra psychiques et certains ressentis, ils n'existent.
Les longues crises sont marquées par des idées subdélirantes, que je critique quasiment toujours. Je vis une déréalisation, une "mise à côté" de la réalité. Comme si, en plus de voir le monde de façon "filtrée", déformée, je le vivais et le comprenais ainsi. Quand je "reviens", qui est mon expression favorite (et en fait, je m'en rends compte simplement maintenant en écrivant, je veux juste dire que je reviens dans la réalité) j'ai l'impression de chausser des lunettes à ma vue, de voir et appréhender le monde de façon plus nette. D'être "recalée" dans le monde.
Mes thèmes délirants sont assez variés, ceux qui sont le plus revenus sont des idées de jalousie, les plus brutes et douloureuses, qui me rendent le plus agressive (hetero et auto) Je me bats contre ces idées férocement mais je ne peux pas toujours lutter - et il faut savoir que même en sachant rationnellement qu'une idée est erronée, le vécu est si réel, si violent et s'étend en tant de ramifications qu'il est extrêmement difficile de lui échapper. Cela prend appui sur divers mécanismes psychiques d'interprétation, d'hallucinations ou d'illusions ("hallus" avec une base réelle, comme voir une cerise et penser que c'est une tache de sang, par exemple), de convictions et intuitions délirantes : ma psyché est envahie d'un faisceau d'indices contre lesquels je ne peux lutter. Et il est impossible de me prouver calmement que j'ai tort : on ne peut prouver l'inexistence de l'infidélité.
J'ai aussi déliré concernant la Déesse Mère, Freyja, cela était un thème beaucoup plus paisible, l'inquiétude venant du sentiment de me décoller de la réalité, du fait que je savais qu'il s'agissait d'idées bizarres. Je pouvais entendre Freyja me dire quelques mots, répondre à mes questions, je lui parlais, je lançais des sortilèges, cependant dans les troubles schizo affectifs l'épisode est plus comme un "rêve éveillé", confus, flou, avec des moments "d'éveil" et des moments de "rêve". Je savais cacher cela.
Un thème récurrent aussi a été celui d'être enceinte d'un enfant mort, qui peut me chatouiller encore parfois. Ce thème ne m'angoisse pas même spécialement, j'ai juste envie de me débarrasser, de me libérer.
Bien sûr les thèmes sont hautement symboliques, perso je suis convaincue de l'existence d'une cause physique de dérangement neuronal qui s'exprime selon mon vécu et mes angoisses/fantasmes.
Dans le même temps je vis des troubles de l'humeur, des états hypomanes (surexcitation) puis mixtes (à la fois maniaque, hyper speedée, et profondément dépressive) Je m'agite beaucoup physiquement, je mange moins ou pas, je dors peu ou pas - par moments a contrario je suis très ralentie physiquement, les moments de douleur morale, j'ai même du mal à porter ma main à ma bouche, je pleure ou encore n'arrive plus à pleurer, je n'ai pas la force ne serait-ce que de me suicider. De la même façon je suis sois hyper sûre de moi avec des idées de grandeur, je suis géniale, je vais écrire de la littérature psy de qualité et être publiée, je vais faire des recherches, passer un doctorat de lettres etc (sur ces thèmes) et à d'autres moments, ne pas exister, je vais mourir sous peu d'abandon, mourir sous la neige, je suis déjà morte dans un véhicule corporel sans but, je suis un "robot", je suis si étrangère au monde que je ne suis pas un être humain, rien ne fait sens. J'insiste sur la perte de sens qui est hyperaiguë et complètement confusante. Même me laver ne fait pas sens, je ne sais plus à quoi ça sert, je me sens ridicule sous la douche.
Je me montre parfois euphorique, pêchue, parfois très sombre, abattue, douloureuse. Parfois les deux en même temps. Ce sont, pour la petite histoire, des moments où j'apprécie particulièrement Emil Cioran comme lecture.
Mes états anxieux sont difficile au possible à expliciter. S'entremêlent des troubles du cours de la pensée (hyper lente ou rapide, souvent très rapide et chaotique) qui forment comme un brouhaha, mais que je n'entends pas, mes pensées font effet cocktail. Mais en même temps j'entends (hallu) de l'extérieur et de l'intérieur de ma tête un brouhaha. Il y a donc les trois. Je sens mon cerveau "surchauffer", sur travailler, je ressens cette fatigue physique du cerveau. Avec un point de pulsation intracrânien, comme on a aux tempes lors ou après un effort violent. Mes pensée sont brutes, je ne les contrôle pas. Comme un flux d'information, mais tronquées, brutes, très très rapides qui circulent. Pour mieux expliquer peut-être comparer avec un événement que l'on comprendrait d'un coup en mettant en relation des tas d'infos. Quand on se dit "ah mais oui bien sur" et que les choses concordent (à la fin d'un polar par exemple), ce moment où expliquer le raisonnement prendrait longtemps mais les liens se font en une nano seconde. C'est ce qui est contenu dans cette nano seconde que je "pense malgré moi", qui "se pense" tout seul dans la tête, en continu, pendant de longues minutes, voire heures. Je dis que "ça pense vite dans la tête" et c'est épuisant, et très douloureux. Douloureux comme un agacement à son paroxysme, mais durant de longues minutes, des heures, la dernière fois des jours entiers. Là je me sens menacée de destruction, de mort psychique, de mort du cerveau.
C'est donc tout un ensemble de sensations, sentiments (peur voire terreur, angoisse, tristesse), pensées, hallucinations (j'entends aussi des cris de chouette et de tourterelle, répétés)
Cela ne m’empêche pas tout le temps de penser par moi-même, je peux m'exhorter à être forte, à lutter, à rester entière encore une minute, encore une heure. J'ai du mal à communiquer, ça se voit par des barrages (arrêt de la parole au milieu d'une phrase. Essayez de converser en étant intensément concentré sur une action qui, si vous la faite même seulement un tout petit peu imparfaitement entrainera des blessures voir la mort. C'est ça mes barrages de l’intérieur, quand je me tais je me concentre sur le cheni intérieur. Pour ne pas mourir.
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