mardi 10 novembre 2015

"Errance médicale"






Enfant j'étais souffrante, au sens strict. Ma mère l'avait proposé plusieurs fois de rencontrer une psychologue mais j'avais refusé et elle ne m'a pas forcée. J'avais très peur, j'imaginais une femme âgée et très austère, jugeante, qui verrait en moi ou justement ne verrait rien et, en résumé, m'engueulerait. Je me sentais coupable de me montrer inquiétante pour ma maman, je souffrais de tristesse, certes, mais j'avais l'intime et diffuse conviction qu'il s'agissait d'un état normal et habituel.
Quand j'ai eu 17 j'ai tenté de mettre fin à mes jours et j'ai consulté, toujours sur avis de ma mère, un médecin généraliste, le Dr B., très à l'écoute et très bienveillant. Je l'ai vu plusieurs fois et j'ai constaté que cela m'apaisait de parler. Il a refusé, quand je le lui ai demandé, de m'adresser à un spécialiste, ne voulant pas me "psychiatriser" si jeune. Je souhaitais faire un travail plus en profondeur. Il m'a cependant, constatant que ma tristesse ne cédait pas avec le temps, médiqué quelque peu avec du Stablon et du Lysanxia à petites doses.
Je suis entrée la même année à l'Institut de Formation en Soins Infirmiers où mes troubles sont devenus plus flamboyants et insupportables, modifiant mon comportement et mettant en péril ma vie sociale, familiale, pas encore mes étude et de mon propre chef j'ai consulté une psychiatre psychanalyste, le Dr T.
J'avais la conscience, ou la croyance ancrée que le nomadisme, l'errance médicale, c'était mal, et qu'il fallait rester avec le même thérapeute pour ne pas s'éparpiller et ne pas être soupçonnée de manipuler les professionnels.
Je voulais vraiment être une bonne patiente. J'envisageais le corpsmédical comme d'une essence supérieure qui saurait me soigner, me rééduquer même, là où moi, je ne comprenais rien.
Il s'est joué un truc entre ma conscience précaire d'exister et ma mesestime de moi-même et de mon jugement. Mon désir, mon besoin d'être prise en charge, d'être portée, parce que je constatais que je ne pouvais plus. Un truc flou, le médecin sait moi je ne sais pas, une confiance aveugle, absolue, inconditionnelle, motivée par ce que je viens de citer et par un besoin vital d'être soulagée de mes peines.
Le médecin sait. Je dois écouter le médecin, prendre le traitement qu'il me prescrit, répondre à ses questions.
Le Dr T. ne me convenait pas, elle me demandait énormément de comprendre mes parents si démunis face à "ma maladie", à "l'horreur" que je leur montrais qui expliquait logiquement les horreurs qu'ils pouvaient me dire. Souvent je ne disais rien, elle ne disait rien, je passais des dizaines de minutes dans le silence jusqu'à la délivrance de la fin de la séance. J'étais médiquée, quand j'ai été diplomée elle me demandait quels médicaments se faisaient alors qui soient antipsychotiques et ne fassent pas grossir. Elle ne m'annonçait pas de dagnostc ni ne les expliquait de façon ormelle mais à ma question sur la durée de la thérapie elle me disait qu'elle serait à vie pour trianguler ma relation avec ma mère "à cause de [ma] psychose"
J'allais mal, je me scarifiais durement, je consommais des toxiques, je subissais une lourde charge anxieuse, je subdélirais, et pourtant je m'accorchais à elle.
Parce que j'étais convaincue que sans elle ça irait encore plus mal. Parce que l'errance médicale c'est mal. Parce que je pensais être une mauvaise patiente qui n'arrivait pas à guérir.
J'ai été hospitalisée, à ma demande seule. J'ai été durement maltraitée, "chambre forte" traitement en grammes, légumisée, je me lamais, recousue sans xylocaïne, et autres.
Mais je pensais que c'était pour mon bien, même si je suis sortie plus mal que je suis entrée, plus mal mais tassée par les traitements.
Et quand c'est allé mal à nouveau, j'ai demandé ce même hôpital. Qui m'a refusée. Parce que je pensais, malgré mon travail d'infirmière en psy qui me montrait autre chose en matière de soins, que ce serait partout pareil. Qu'il était capital de ne pas s'éparpiller dans les soins.

Je veux en venir au terme d'errance médicale, en psy (chiatrie chologie, chanalyse)
Il est immensément compliqué de trouver un thérapeute qui convienne. Quand on en sent le besoin, quand on a cette volonté de travailler sur soi, on est lâché dans un magma de noms, de professions, de personnes.
Tous les thérapeutes, toutes les approches ne conviennent pas. Qui va aller vers la parole, qui vers la médication, qui vers les TCC etc. Brisons un tabou et signalons qu'il existe des professionnels violents psychologiquement (telle la psychiatre que je consultais pour mes problemes addictifs et qui ne m'a parlé que de mon poids et de mes méthodes de paiement) Il est reproché aux usager.e.s de changer de thérapeutes, d'user d'errance méedicale, de mésuser des soins, de manipuler, de n'en faire qu'à notre tête.
Quand on nous demande d'être responsable de notre traitement.
Trop souvent on nous demande de prendre cette "responsabilité" d'avoir une parfaite observance sur un traitement sur lequel nous n'avons pas voix au chapitre.
Alors oui dans cette jongle des professionnels de la santé mentale, il nous arrive de changer de thérapeute. J'ai recontré de superbes personnes qui m'ont aidée immensément, et la plupart de mes soignants furent de "bons" soignants, qui m'ont apporté beaucoup, qui m'ont écoutée et prise comme partenaire à part égale des soins. Mais changer trois ou quatre fois de "psy" durant une année n'est pas du nomadisme médicale, n'est pas faire comme bon nous semble en s'en tapant de ce qu'on nous dit, c'est une recherche d'un.E soignant.e qui nous convienne, qui soit neutre et bienveillant.e, avec qui l'on se sente en confiance et à l'aise, parce que frak, on va être amené.e à parle des choses les plus intimes que même nos très proches ne soupçonnent pas.
Ce que je demande à un.e psychologue, un.e psychiatre, c'est l'ouverture du dialogue. Beaucoup fonctionnent ainsi. Pour les autres, que personne ne nous reproche de les laisser.

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