mardi 10 novembre 2015
Précieuxses allié.e.s
Cher.e.s vous, que j'aime, apprécie, estime, ma famille, mes ami.e.s, mon très bel amour, les inconnu.e.s ou connaissances des réseaux sociaux
Je vous parle de psychophobie, je vous parle parfois de mon militantisme, je m'exprime comme je le peux, ici et ailleurs.
Je clame le mot psychophobie, que je définirais par la discrimination, l'oppression du groupe dominant envers les personnes vivant avec des troubles psychiatriques, et/ou que certain.e.s nomment neuroatypies (ces personnes ne se vivent pas malades, mais "différentes" du plus grand nombre de par leur fonctionnement neuropsychique). Cette définition zst criticable et je suis ouverte à correction.
La psychophobie en pratique, qu'est-ce ?
C'est la partie émergée de l'iceberg : la discrimination à l'embauche, aux études, les difficultés sociales, les rejets "criants" par partie de la population autoproclamée normale. Les difficultés à obtenir un prêt (risque suicidaire), à entretenir un dialogue serein envers les autorités bancaires en général.
La psychophobie c'est le rejet, la peur inspirée par la "différence", la stigmatisation, c'est l'image hollywoodienne du serial killer "schizophrène", c'est le fou sans abri et sans soin aux comportements récrié par "les braves gens"
La psychophobie c'est les violences medicales qui perdurent encore dans certaines institutions, les hospitalisations sous contraintes, contentions physiques, médications forcées abusives (en mon sens toutes ne le sont pas même si elles pourraient être évitables)
La psychophobie c'est la santé mentale cinquième roue du carrosse avec une carence de soins et de bien traitance liée au manque de personnels soignant.e.s, de lieux de soins, d'hôpitaux et cliniques, les proches et les usager.e.s qui ne trouvent pas, ou très difficilement, de lieux de soins, de lieux d'écoute, de lieux de soutien et cela lors même de situations d'extrême urgence, des soignant.e.s, professionnel.les débordé.e.s par le manque de moyens.
La psychophobie c'est le traitement de la folie par les médias, les émissions scandales sur les Unités pour Malades Difficiles présentant des usager.e.s ayant commis des crimes, ayant donc un passif medico legal, et tendant à stigmatiser l'ensemble des psychotiques (nous sommes 600 000 schizophrènes à vivre en France tout à fait paisiblement dans une grande majorité.), ce sont les reportages sur les fous criminels, dont les passages à l'acte sont montés en épingle (beaucoup plus que les ô combien nombreux feminocides perpétrés par des hommes tout à fait neurotypiques, par exemple et qui sont qualifiés de "drame familial") et qui entretiennent la peur envers les usager.e.s.
La psychophobie ce sont les "fantasmes" autours des troubles, fantasmes de violence, mais aussi romantisation, de type belle jeune femme pâle et alanguie pour illustrer la dépression ou artiste maudit pour illustrer la schizophrenie, ou encore personne poétiquement marginale avec un entonnoir pailleté sur la tête.
La psychophobie c'est le paternalisme médical, le discours "iels ne savent pas ce qu'iels disent, font, il faut les proteger d'euxlles mêmes, pour leur propre bien, sans leur demander leur avis qui est faussé.
La psychophobie c'est une longue Histoire de la maltraitance des fous (conseil de lecture : Un monde de fous de Patrick Coupechoux)
La psychophobie c'est aussi moi, vous, nous tous, comme pour toute oppression systémique nous ne pouvons pas brandir l’étendard "hashtag les gens".
Voilà mes ami.e.s, mes proches, mon très bel amour, ce que nous pouvons faire pour lutter contre la psychophobie quotidienne, celle qui sape dès la base, insidieusement, celle qui s'infiltre, celle à laquelle nous ne faisons pas attention parce que c'est pas grave au fond et que les vrais problèmes ne sont pas là.
Les termes : arrêtons d'user de termes psychiatriques pour qualifier des personnes dont le comportement nous indispose, nous choque, nous semble étrange. Iel n'est pas "fou.folle" "hystérique" "parano" "schizo". Le terroriste kamikaze et le criminel non plus, l'homme politique au discours insoutenable non plus.
Pour reprendre une connaissance : "borderline" n'est pas un adjectif, c'est un trouble grave et très douloureux à vivre. Une situation est "limite", "ambiguë", pas borderline.
"La psychose de la vache folle" n'est pas une psychose, c'est une peur collective.
Un discours n'est pas "schizophrene" il est contradictoire.
J'insiste : les termes sont importants, associant maille après maille l'idée des troubles psy et ceux qui vivent avec comme mauvais, dangereux, incohérents. Ils créent un climat particulier, psychophobe.
Les diagnostics : n'ayons plus peur des diagnostics, ils sont des mots qui désignent une pathologie, des symptômes. Resneignez vous, sur internet, auprès de vos soignants, auprès de proches ou de connaissances versés en psychiatrie/psychologie. Evitez les forums "médicaux" qui vous effrayeront, vous donnerons des idées biaisées ou pas très saines sur les diagnostics et les concerné.e.s Je vous invite à libérer votre parole envers moi pour me demander, même si je ne sais pas tout, évidemment. Je ne vous donne pas une injonction à ne pas vous inquiéter, mais peut-être à envisager ce diagnostic comme celui d'une maladie physique, en essayant de minimiser toute la charge vue ci-dessus.
La honte : la psychophobie et l'opprobre étant réels et avérés, nombreux.ses sommes nous à avoir honte de ces troubles, chez soi-même ou chez un.e proche. Pas facile de dire "en effet mon fils/ma fille ne va pas bien, iel est schizophrène et traverse un état aigu" ou "ma compagne ne peut pas travailler car sa schizophrénie l'en empêche" Ilm'est difficile de le dire. Je l'évite parfois. Il reste que déclarer avoir un trouble psy engage à des risques réels de jugements, de crainte voire de rejet. Ainsi, pour ma part, j'aime à m'outer moi-même. J'apprécie d'en discuter avec mes proches et mes connaissances afin de "controler" l'information circulant à mon propos car j'estime avoir une assez claire idée des "risques". Essayons, ce n'est pas facile, de ne pas avoir honte. Tant de choses nous poussent à baisser la tête et à éluder, mais restons fier.e.s quand nous le pouvons. C'est en parlant librement et calmement, en annonçant les troubles, que nous pourrons faire apparaitre que nous, NA, sommes des personnes sensées, avec des vies "normales" (pas en camisole en train de baver...), une vie sociale, professionnelle, amoureuse, autonome. C'est en parlant de nous que nous existerons autrement que dans Psychose
Le soutien : m'a toujours été précieux. Ne silenciez pas les troubles, ne les minimisez pas. Je vais parler brièvement de ce qui me concerne : les troubles schizophréniques, les troubles de l'humeur notamment la dépression, les troubles addictifs et compulsifs, les troubles anxieux, les troubles du comportement. Je veux bien entendre être paresseuse, mais lorsque je suis en phase dépressive, *je ne peux pas*. Dire "Il faut te motiver, te stimuler" c'est dire à une personne aux eux jambes dans le plâtre "marche, ça te fera du bien, moins tu marches moins tu sauras marcher"
Quand je suis angoissée, je suis angoissée "pour rien". J'admets apprécier être rassurée et que l'on me repose les choses, très personnellement j'apprécie beaucoup les câlins et embrassades qui m'apaisent, mais je sais que je me "fais du souci pour rien". Le savoir ne diminue pas le vécu d'angoisse. Si l'angoisse est paroxystique, je peux avoir l'impression que je suis en train de mourir. Il ne sert à rien alors de me dire "calme toi", si je le pouvais, je n'aurais jamais de crise d'angoisse. J'apprécie cependant la présence à mes côtes.
Pour tous les troubles addictifs et compulsifs, je dirais, très personnellement encore, deux angles qui peuvent sembler contradictoire. Je sais qu'ils sont dommageable à ma sant, mais je suis demandeuse dans le même temps de limites, que l'on me signale que je déconne.
Pour les troubles du comportement, même si sur le moment je suis en furie, je crois qu'il est juste et bien de me dire que ça ne va pas, que je fais n'importe quoi. J'estime toujours très personnellement, que mes proches n'ont pas à tout accepter de ma part, dans aucun cas.
En ce qui concerne les troubles schizophreniques, je sais qu'ils peuvent mettre mal à l'aise et dérouter.
En résumer, parler, parler, parler la parole aide et sauve, clarté, non-jugement, bienveillance. Et je m'inclus dans le lot, car je ne suis bien évidemment pas à l'abri de juger autrui et de me montrer dure.
Ne pas taire : puisque nous y venons. Tenter de ne pas s'enferrer dans le "je ne veux pas parler de cette période, c'était trop trite/glauque/inquietant/c'est du passé" Je ne préconise pas de parler sans cesse de tout tout le temps, mais de ne rien recouvrir d'une chape de plomb. Le dialogue peut faire du bien, vous pouvez découvrir une souffrance que j'ai vécue, je peux découvrir les vôtres, nous pouvons ensemble découvrir à nouveau tout l'amour que nous nous portons, et comment faire pour éviter de se blesser à nouveau.
Les avis et conseils : me sont toujours bienvenus. Et, sérieusement, je suis ouverte à pratiquement tout conseil, chimie, thérapies par la parole, techniques type méditation, outils TCC, phytothérapie... Conseiller c'est über chouette. Mais devrait rester au stade "conseil". Si je dis que ça ne me convient pas, fin du conseil. Me dire que les antipsychotiques détruisent mes neurones, c'est non. Dire à une personne que seuls les antipsychotiques qu'iel a décidé d'éviter sont sont seul recours, c'est non. Les conerné.e.s savent. Nous sommes principaux.ales acteurs.trices de notre santé. Le forcing n'est pas une option. Nous souffrons de la situation et il s'agit de notre corps, notre psychisme, même si vous souffrez de nous voir souffrir il ne s'agit pas de votre décision. Un pronostic vital engagé peut à mon sens (et à mon sens seulement) justifier une hospitalisation sous contrainte, mais je vous en prie, respectez les avis de ceuxlles qui vivent avec les troubles.
Rire : j'apprécie beaucoup le second degré de la part de proche déconstruits. Et nous apprécions tous de rire ensemble de tout et de rien, ne perdons pas le sens de l'humour.
Voilà mon topo mes précieux.ses allié.e.s, mes ami.e.s, mon amour. Cher.e.s connaissances et inconnu.e.s du net. On peut faire du mal sans le vouloir, j'en fais aussi (qui peut se dire déconstruit.e ? Pas moi) je nous invite tou.te.s à amener notre pierre à l'édifice vers plus d'ouverture, la société, c'est bel et bien nous. Luv you all.
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