Ma propre sexualité est évidemment anecdotique mais je vais exposer
les grands traits pour expliciter mon propos. J'ai une libido souvent
foisonnante, elle a été aussi totalement en sommeil sur de très longues
périodes, j'ai connu des relations fixes, exclusives, et des périodes où
je rencontrais de multiples partenaires.
Je
n'apprendrai rien à mes soeurs-femmes sur ce qu'il nous est dit de notre
sexualité et à quel point elle est niée, bafouée, psychiatrisée, depuis
les hystériques de Charcot, les nymphomanes. Combien l'on nous
stigmatise : salope, coincée, toujours infantilisées et
irresponsabilisées, quand y'en a beaucoup c'est de la nymphomanie ou un
problème hormonal, quand y'en a pas c'est une névrose ou un problème
hormonal. Heureusement que les hommes de + de 20 ans n'ont pas
d'hormones, on n'aurait pas le cul sorti des ronces. Nous sommes censées
ne pas savoir, que nos non veulent dire oui, que nos oui sont slut
shamisés, etc etc etc etc
Quand on est folle, quand on
est psychiatrisée, le fardeau est pire encore. Après le "tu aimes baiser
avec plein de gens, tu dois être folle" est venu le "si tu as envie de
baiser avec plein de gens, c'est parce que tu es folle"
J'en
ai entendu, du grand classique du music hall "tu ne te respectes pas"
au "tu dois être protégée de toi-même" "tu es dans une période où tu te
roules dans le caniveau, il te faut te médiquer sérieusement, te
protéger à l'hôpital" Je serais une adulte non responsable, traitée
comme une mineure de moins de 15 ans, là o les non sont censés vouloir
dire oui, mes oui signaient un état aigu de folie.
Alors
bon, j'ai eu de multiples partenaires, j'ai souvent pris du plaisir,
souvent pas trop aussi, ce sont les aléas des rencontres nombreuses,
tous les gens ne s'imbriquent pas toujours de manière satisfaisante pour
soi dans une osmose magique qui serait générée par le peau à peau (et
les hormones), respect de soi ou pas au final c'est mon histoire (mon
mépris de moi sous d'autres formes était très bien toléré par contre),
respect des autres, oui, toujours (on ne demande jamais aux hommes s'ils
se respectent quand ils fuckent avec des inconnues) et c'est ennuyant
d'en parler parce que voilà, c'est anecdotique, je vis une sexualité
parmi d'autres.
Dans mes moments sans libido, mes
proches étaient très rassurés. J'étais calme, je me respectais, je
n'étais pas malade, ou moins, ou selon un mode très acceptable : je ne
leur semblais pas en danger. Peu importe que la flamboyance de ma libido
soit liée à mon humeur, aille avec ma vitalité. J'étais semi morte,
abominablement triste ou vide et abrasée, je souffrais de ne pas
ressentir de désir sexuel (que je peux asouvir seule, parle à ma main)
mais bon, j'étais bien rangée chez moi à me morfondre avec mes 72 chats.
J'en
suis venue à culpabiliser, à me dégoûter (et la faille narcissique
était déjà bien présente) à me qualifier de nombreuses perversions et
paraphilies. Jusqu'aux jours o mapsychologue à qui j'en parlais en
séance, de manière alambiquée mais en gros pour battre la coulpe, me
dise calmement que la sexualité infantile c'est très bien, c'est riche,
foisonnant, gai, ça va un peu dans tous les sens et c'est bien plaisant.
Joie. Libération. Empowerment. Je fus apaisée avec un sourire tout ravi de chat comblé.
La
sexualité des schizophrènes est taboue. Comme nous sommes
déresponsabilisées, infantilisée, bien des soignant.e.s admettent comme
axiome que nous sommes incapable de donner ou refuser notre
consentement. Tout homme, femme, autre genre est soupçonné.e de
prédation en couchant avec nous. Voire ça dégoute un peu (vrai, de ce
que j'ai entendu comme soignante) Les fantasmes vont bon train. Toute
pratique sortant un peu des sentiers battus est marquée du sceau du
symptôme, de la déviance, de la pathologie lourde, de la vulnérabilité
face à un.e partenaire qui serait pervers.e et abuserait de nous.
Les
troubles sexuels liés aux troubles (pour moi, la dépression) psy et/ou
aux traitements sont très mal pris en charge. Les psychiatres s'affolent
plus rapidement d'un trouble de l'érection chez un homme ("vite
changeons de molécule sinon on risque la rupture de traitement") qu'un
trouble du désir ou du plaisir chez une femme ("Il faut le supporter
madame ça serait encore plus pire que pire si vous arrêtiez le
traitement")
Je pense revenir dans une autre note, plus spécifiquement sur le harcèlement sexuel à l'HP.
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