jeudi 12 novembre 2015

Harcèlement à l'HP



A l'hôpital comme partout les femmes peuvent être victimes de harcèlement. Cela va de la proposition sexuelle plus ou moins crue aux gestes déplacés...
Il est complexe pour les soignant.e.s de "réguler" ce "problème", je l'entends bien (j'y ai été également confrontée en tant qu'infirmière) il n'en est pas moins que lorsque l'on va très mal (au point d'être hospitalisé.e), se faire demander en boucle une fellation à 6h du matin est dur et cru, insupportable.

Longtemps je n'en ai rien dit. Cela est triste mais le harcèlement est partout et je me demandais ce que les infirmier.e.s pouvaient faire.

Iels ne font rien - ou pas grand chose.

Je fus victime du "mais vous c'est pas pareil", entendre "Vous vous êtes raisonnable, vous êtes d'un "niveau supérieur", lui il ne peut se maîtriser, il n'est pas méchant il ne va pas vous violer, vous êtes en mesure de comprendre"

Ce qui est en fait la réponse très souvent apportée aux femmes se faisant agresser dans l'espace public. "Au fond ce n'est pas bien grave, inutile d'avoir peur"

Reste que le harceleur n'est pas "repris" le plus souvent. Son comportement problématique envers toutes les femmes est connu et ça embête bien les équipes mais que faire ? A iels de trouver les réponses. Je note cependant qu'insulter un.e infirmier.e.s ou un.E médecin est recadré, les mots crus envers une patiente, beaucoup moins.

Ma dernière hospit' fut super, vraiment et m'a beaucoup aidée, en service ouvert, super équipe. Il m'est arrivé un pépin cependant. C'était ma première matinée dans le service, j'étais en cours de rémission d'une décompensation quasi catatonique et encore incapable par exemple, de réaliser une déco de noel proprement.
A 5h du matin je me suis réveillée, comme tous les matins, et j'ai voulu aller fumer sur la terrasse. Les feux étaient encore éteints et je cherchais mon chemin dans le noir quand un homme, que je ne voyais pas dans l'obscurité, m'a hélée en chuchotant pour me dire bonjour.
Cela n'a rien d'exceptionnel et j'apprécie toujours lier des connaissances, à l'hôpital ou ailleurs Il a tenté de me faire la bise en me passant un bras autours de la taille, j'ai pu reculer et imposer une poignée de main. Je n'avais alors pas peur. Il m'a signifié que la terrasse était encore fermée "ma pauvre" et a ajouté "tu me suces en attendant ?" j'ai refusé vivement et ai filé dans ma chambre loquet fermé.

Mal à l'aise je n'ai rien signalé à l'équipe à ce moment là. Un ou deux jours plus tard, au cours d'un atelier esthétique, je m'en suis oiverte à l'infirmière, un peu sur le ton de la plaisanterie. "Il m'a fait des propositions indécentes" Elle s'est montrée surprise, choquée serait un terme trop fort, et m'a vivement conseillé de le signaler au psychiatre chef de service. Je lui ai dit que je le ferai. J'étais rassurée que l'incident soit pris au sérieux.
Plus tard dans la journée un infirmier m'a reparlé de cet épisode de harcèlement, me redisant d'en parler au psychiatre et, si j'en ressentais le besoin, de déposer une main courante au commissariat.
C'est là que j'ai commencé à flipper. Je ne saurai jamais si l'homme qui m'a proposé de le sucer de bon matin avait des antécédant de crime ou délit sexuel, mais c'est vraiment ce que je me suis dit.
Et puis ce type m'a couvé d'un regard noir, m'a fait des remarques "par ta faute je vais devoir voir [nom du psy]"
J'avais peur. Je me rendais compte du problème : l'agresseur est repris, mais il reste dans le même service o les équipes ne peuvent être présentes sans cesse. En quasi huis clos.
J'ai été reçue par le Dr S. J'ai du redire le déroulement des événements tandis qu'il pianotait sur son ordinateur. Il m'a demandé les termes exacts (toujours vaguement soupçonnée de "fantasmer" voire "délirer") J'ai répété les termes exacts, il a sursauté.
Et rien.
L'homme en cause ne venait que le we et je ne suis pas restée hospitalisée longtemps, mais le malaise était là tous les vendredis soir.


L'hôpital est le lieu o, usagere schizophrène, femme à la libido galopante, je suis censée être protégée de mes "pulsions". Je le suis moins des "pulsions" des hommes harceleurs. Ici l'affaire a été prise en grand sérieux. Honnêtement je ne sais pas ce que l'équipe aurait pu faire de plus et je les remercie chaudement d'avoir écouté mon récit et acté une réaction collégiale. Cela doit à mon sens être réfléchi et je comprends bien les complications. Les femmes vivant avec des troubles psy sont plus souvent abusées que les femmes n'ayant aucun trouble psy (qui en subissent déjà énormément)

Je termine en disant que ce ne fut pas le plus "pénible" pour moi, le plus insupportable est l'usager dit déficitaire qui répètes en boucle "tu me suces tu me croques ?" pendant 20 minutes le matin et dont le comportement agace les équipes sans qu'il semble "possible" d'y remédier. Mais au moins qu'on ne sous entende pas que c'est bien naturel, que je peux "comprendre" et que je suis en sécurité. Il ne me violera pas, mon intégrité n'est pas en danger, je peux comprendre que cet homme n'ai pas les capacités de restreindre tout ceci, mais qu'on le lui restreigne, nom de bleu, ce n'est pas anodin, ça ne me fait pas rien, on ne peut décemment pas passer ces mots sous le "de toute façon il est comme ça". Le dit-il à une infirmière ? Jamais. Donc il sait se restreindre.

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