vendredi 13 septembre 2019

Les colères d'une fol

Je suis une femme (cis). Des millénaires de bourrage de crâne à coups de trépanations s'il le fallait m'ont appris qu'il était préférable de ne pas trop l'ouvrir.
Je suis une fol. Pendant l'Inquisition, on torturait les "femmes acariâtres". Depuis des siècles et notamment le XIXe XXe on nous apprend que notre colère est du fait de notre folie.

Je précise que je suis une personne gentille et docile, soumise, plus même qu'une autre personne afab de base.

Ce n'est pas une vantardise, je ne considère pas cela vraiment comme une qualité ou quelque chose de réfléchi ou de décidé, comme une belle éthique.

J'ai été une petite enfant médicament, ai connu des séparations très précocément, depuis mes trois quatre ans je m'écrase et veille à ambiancer et gâter toute personne proche dans la terreur de la perdre.


La seule psychologue que j'ai consulté qui a pris la peine d’écouter mes plaintes et de les recevoir avant de me dire que Machin et Bidule elleux mêmes étaient pas rassuré-e-s donc pas rassurant-e-s (ce qui est accessible à 30 ans mais ne change rien au vécu d'angoisse extrême subi dans la petite enfance, qui est à entendre et rassurer avant de trouver des explications et des excuses aux tuteurices) m'a pointé que c'est logique ou une réaction logique de tenter de colmater le parent quand on est à peine plus que bébé, car de sa santé mentale et son humeur, notre propre survie aussi bien materielle qu'affective depend.


Un autre psychologue plus tonique mais intéressant rencontré plus récemment m'a fait remarquer que maintenant j'ai 43 ans et ne suis plus obligée de fonctionner ainisi si ça ne me convient pas.


Bref je suis une meuf, je suis fragile, je m'écrase, je suis gentille.

Mais si cette attitude persiste c'est aussi car mes expressions de colère (fréquentes a l'adolescence et a l'adulescence) sont doublement stigmatisées : une femme doit être pondérée, une fol s'enerve pour rien, elle délire, elle est "persécutée".

Je vis une relation cis hetero avec ce que ça implique comme rapport de domination (et ce quel que soit le mec cis, deconstruit ou pas, arrêtons de nous mentir et de ne voir des oppresseurs que dans les mascus) Je suis en retraite anticipée. Je suis handicapée. Je suis schizo. Je suis cisbie (mais ici ça ne compte pas)
Il est diabétique, a eu un passé on va dire compliqué, est NT et valide, blanc et cishet. Et cadre.

Je suis feministe. Je suis radicale. Je suis matérialiste.

Je suis suivie au CMP où psychologue comme infirmière m'invite à "déposer mes émotions" comme si les émotions étaient des paquets qu'on pouvait s'enlever de la tête pour les stocker ailleurs.

Quand on a lu tout ça on comprend que parfois, je suis en colère. Tout le monde est en colère parfois. J'ai ma rage de base des féminicides, de la non marche du monde, des violences oppressives (desquelles je participe etant cis et blanche, éduquée ou non), de la merde partout tout le temps qui se deverse à chaque flash info.
On va dire la base.


Mais je suis gentille alors dans le couple je fais comme on dit des "collections de timbres" de micro violences, micro contrariétés, micro fermages de gueule, des dizaines, des centaines, tout le temps.

Parce que j'ai peur des conflits. Parce que j'ai peur de tout perdre. Parce que j'ai peur de tout. Parce que les cris me foutent laz trouille. Parce que ma colère peut me passer en mode berserk (c'est déjà arrivé)


Cependant parfois la coupe est pleine et elle déborde (et pas que de sang menstruel) Je m'engueule peu avec mon conjoint (il n'aime pas ça, il quitte la conversation comme il me muterait sur un groupe fb) J'exprime ma colère au CMP. Les petits trucs. Mais aussi les gros. Je suis parfois furieuse. Parfois je dis que je vais me barrer et vivre seule avec mes chats et être oklm. Plus j'y pense sur cette dernière année plus c'était légitime.

Et puis je ne fais que faire ce qui m'est demandé : déposer mes émotions.

Mais je m'entends répondre "il devient votre persecuteur" ( = vous êtes parano). Je m'entends répondre par mon conjoint que ça suffit les sautes d'humeur qu'il faut en parler avec l'infirmière. Je m'entends répondre qu'il faut que je me dépense physiquement pour évacuer cette énergie malvenue et inappropriée.


Je suis pathologisée.

Je suis une femme fol en colère, je suis pas crédible.

Je suis misandre, c'est insoutenable (litteralement)

Je suis renvoyée à mes quatre ans quand je me fâchais, rarement,  sans doute à raison et qu'on se moquait de cette émotion jusqu'à ce que je passe à l'acte violemment. Depuis, je suis "méchante, colérique, tu cassais tout".

Je ne suis plus un être humain qui a des raisons d'être vnr, je suis une femme donc je dois être calme aec mon conjoint parce que rien de mieux que la communication positive et non violente (que ces messieurs ne nous rendent pas)(etq ue la charge émotionnelle c'est pour notre gueule)
Je ne suis plus un être humain qui a des raisons d'être vnr je suis une fol en habit de folie, proche ou dans le délire.

Oh ben je savais déjà, j'ai tenté et puis j'ai appris (je peux me montrer patiente et même obtuse mais ça finit par rentrer). La colère passe dans 4h de menage, une heure de vélo, 400 balles d'achat sur internet ou un litre de bière. Ca reste entre moi et moi au mépris de ma santé.

Mais hey, je suis fonctionnelle et une bonne compagne et une bonne fol bien rangée :). TVB.


Je rêve si souvent de tout passer au lance flammes et de couper des têtes. Et que purin on m'applaudisse pour ça.

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