mardi 1 décembre 2015

Dépolitiser ma schizophrénie



J'ai eu à lire, deci-delà
J'ai eu à m'entendre dire, deci-delà
Que "la" schizophrénie est un produit de notre société, que la société capitaliste rend les gens schizophrènes "pour les faire taire" (je l'ai entendu tel quel)
Et que si j'étais schizophrène, en gros, c'est parce que le complexe militaro industriel l'a bien voulu.


Non.



Ma schizophrénie n'est pas politique. Pas en ce sens. Si ma schizophrénie est subversive c'est un dommage collatéral. C'est la manière dont elle s'exprime - je ne suis pas silenciée, décompensée, je tonitrue. Je tache. Est politique la manière dont la société traite les schizophrènes. Est politique ce que je revendique de mon droit à exister au même rang que les autres citoyen.ne.s avec ma schizophrénie.

Je ne sais pas trop comment décrire cette schizophrénie. Je dis parfois "je suis schizo", pour faire court et aller vite.
Je dis parfois "je souffre de troubles schizo affectifs"
Le plus souvent, je dis que "je vis avec une schizophrénie".
Je l'appelle maladie chronique ou pathologie chronique (avec des phases aiguës) ou parfois, handicap. Si je désigne ce trouble (encore un autre mot) ainsi, c'est que je suis contrainte chaque jour d'avaler un tas de médicaments simplement pour être "bien", "normale", que je ne peux effectuer un travail rémunéré du fait de cette maladie, que je suis bientôt retraitée, de façon anticipée, pour invalidité (encore un terme)

Personne ne connait vraiment à ma connaissance les causes des schizophrénies. Elles seraient neuro psycho sociales, On me dit "c'est polyfactoriel". POur moi, depuis le temps, il y a des causes neurologique, psychologiques et environnementales.
Mais de cela on peut douter car on trouve  les schizophrénies partout dans le monde, avec la même incidence. Depuis aussi longtemps qu'elles sont reportées sous ce nom ou sous en autre (il y eut "démence précoce")

Elles ne sont donc pas le produit de notre société, ici française, elles ne sont donc pas le produit de l'oppression des plus pauvres par les plus riches.


Surtout, ma schizophrénie m'appartient. Elle fait partie de moi. Quand je dis que je vis avec des troubles schizo-affectifs forme dépressive, je dis une partie de moi. Une maladie chronique qui a façonné une partie de moi. Elle s'exprime avec ma propre expression, elle s'exprime de ma voix, différente de celle d'autres personnes vivant avec le même trouble.

Ce qui me silencie ce n'est pas le systèmle capitaliste, pas concernant cela précisément, ce qui me silencie c'est le paternalisme, médical, social, familial, c'est le mépris, c'est être persuadé.e que puisque parfois je suis en proie à des délires, des hallus, des symptômes, je ne sais pas ce que je dis, je ne sais pas ce qui est bon pour moi.


Je refuse qu'une personne non concernée m'affirme comment comprendre ma pathologie et la manière dont je devrais la vivre. Je refuse d'être instrumentalisée, car c'est cela précisément qui me silencie.

Qu'on utilise MA schizophrénie que JE vis que JE comprends mal que JE manage pour ME faire dire de façon passive des choses que je n'ai pas envie de dire, ou que j'ai envie d'exprimer différemment, que j'ai envie d'exprimer de MA voix et pas "parce que tu es folle, c'est le système tu vois"

Demandez-vous plutôt en quoi vous, vous êtes des produits du système, questionnez-vous sur l'expression de vos révoltes. Écoutez moi comme vous écoutez tou.te camarade, ne me tokenisez pas.

Je ne suis pas un drapeau, je suis une personne.

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