lundi 7 décembre 2015

Quand le choix d'être childfree devient un devoir imposé


Je place ici à titre indicatif que je n'ai
Jamais
Souhaité
Désiré
Voulu
Ressenti le besoin ou le devoir de
Avoir un enfant

Ado et jeune femme on faisait simplement montre de condescendance et d'âgisme en me disant "tu dis ça maintenant"
Et puis ma maladie a éclaté au grand jour, bien obligé.e.s de voir que je buvais beaucoup d'alcool, que j'avais des troubles importants du comportement, des dépenses inconsidérées et puis que j'étais marquée du sceau PSY et que je consommais un lmourd traitement psychotrope.

Donc On s'est dit, cette nana ne doit pas avoir d'enfant.0

Les conversations autours de la descendance devenaient super tendues pour mes proches, des anges passaient (<- petite tentative d'humour) et le monde prenait un air évasif et douloureux car je devais énormément souffrir de ne pas pouvoir avoir d'enfant.

Or je peux avoir des enfants. Je pense même pouvoir en éduquer. Je n'en ressens pas le besoin-désir whatever se passe en les gen.te.s qui font le choix d'enfanter.

Mais ce choix m'était dérobé, il devenait un état de fête : cette folle ne peut avoir d'enfant. Pour dire, mon père m'a même proposé que j'en fasse un et qu'il l'élève.


La violence malsaine du truc.
 pétain pétain pétain je dis quoi ? 

 Donc, l'un dans l'autre, On ne m'a jamais laissé ce choix. Soit je ne savais pas ce que je voulais et l'émerveillement du truc merveilleux de la maternité allait m'apparaitre un beau matin devant mon bol de Nesquick et paf, ça ferait des bébés.
Soit j'avais le bon goût exquis de ne pas faire l'offense au monde de procréer, moi la folle.

C'est lourd le silence, je dirais même avec NOII que le silence qui règne devient assourdissant. Le silence qui pèse et glue autant que les "tu changeras d'avis" "tu feras cette merveilleuse découverte" blabli
Il est arrivé que je sois confrontée à ce choix. Je suis, à l’âge de 28 ans tombée enceinte, comment pourquoi me regarde. Cette grossesse n'était pas voulue. Et puisque j'avais pris des pr"écautions il y avait une probabilité quasi nulle pour que je sois gestante.
Aucun signe n'annonçait cette grossesse. J'étais à l'époque grosse, plus de 90kg, je n'ai pas grossi plus ni minci. Je n'avais pas de nausées. Les neuroleptiques me maintenaient en aménorrhée et galactorrhée depuis deux ans.

Cependant j'avais un rdv chez un gynécologue, un homme, pour un contrôle "de routine"

Je m'y suis rendue le sourire aux lèvres à l'idée de : Ironie. Je m'y suis rendue, je ne connaissais pas ce gyneco, j'en changeais donc nous avons discuté durant un assez bref entretien où j'ai signalé cette fameuse absence de règles depuis deux ans et ses causes présumées. Il m'a demandé s'il existait une probabilité que je sois enceinte, j'ai parlé d'un épisode de rupture de capote, norlevo, blablou, il m'a dit "aucun risque" Il m'a dit "Nous allons faire une écho des ovaires pour voir si tout va bien"*
Il a fait une écho (ça aussi le "nous" c'est assez priceless) et m'a dit "bien, rhzabillez vous et pâssons dans mon bureau"
Je me suis rhabillée et je suis passée dans son bureau. Il m'a annoncé "vous êtes enceinte". J'ai dit "oh.", choquée. Il a ajouté "la grossesse est avancée". Il ne m'a pas dit de combien. Il m'a dit "Eh bien il faudra parler au... au monsieur." et de suite "Vous pouvez aller voir le Dr G moi à ce stade je ne le fais pas ça me..." *geste de dégoût, ou tristesse, ou envie de vomir* J'ai compris que "ça" le brassait, j'ai compris que "ça" signifiait une IVG ou IMG, je ne savais pas je ne savais plus de combien de semaine je pouvais être enceinte, j'ai compris aussi que moi la folle, on ne me demandait pas ce que je souhaitais faire.
Je voulais avorter, je devais avorter, c'était pas possible autrement. Je me demandais cependant comment amener une IMG sans motif médical : je n'étais pas en danger physique, le fœtus non plus visiblement, so what ?

Bref dans ma petite auto avec mon petit chapeau j'ai fait la route jusqu'à l'autre hôpital pour rencontrer le Dr G, cette fameuse docteure "qui faisait ça"

Il y eu un interne, le rdv posé avec un autre gynécologue obstetricien, qui lui aussi faisait "ça" m'a-t-on dit.

Tout allait dans mon sens, je ne souhaitais pas avoir d'enfant, la grossesse était non seulement inattendue mais non désirée et on m'expliquait peu de choses, à part qu'on allait me faire "ça", un geste médical tellement immonde que personne ne pouvait le nommer.

Quand j'ai signé le papier j'ai appris qu'On acceptait de me faire "ça" pour "raisons psychiatriques"

Je suis pour des raisons techniques restée 3 jours à l'hôpital en attendant que mon col se dilate et que "l’œuf" descende, le tout perfusée, sans manger, sans boire, sans mon traitement car On pouvait m'opérer à tout moment.

Je pensais me jeter par la fenêtre (qui était ouverte)(elles ne le sont plus nulle part car d'autres personnes caressent l'idée de se foutre par la fenêtre) personne ne m'a parlé (je précise ici que certes les infirmières en gyneco n'ont "pas de formation psy", mais que les jeunes diplomées qui bossent en psy ont la même (non) formation psy, que l'entretien infirmier est un acte technique, qui s'apprend comme la pose de cathéter et que être humain.e quoi, c'est si dur que ça ?)

Donc je devais avorter (d'un fœtus dont je ne connaissais toujours pas l’âge) acr j'étais folle mais ma folie n'était pas prise en charge. Un contexte hautement anxiogène chez une personne souffrant d'angoisses majeures et moi pas traitée chimiquement ni par la parole. Mm.

C'est là, dans mon lit, à lutter contre des contractions une nuit (avoir de la morphine j'ai pu, les contractions sont de vraies douleurs contrairement aux angoisses qui sont dans la tête. L'angoisse devrait se loger dans l'utérus pour être prise en charge) que je me suis dit "je ne pourrai JAMAIS avoir d'enfant"

On venait de me l'ancrer dans la tête. Ce n'était plus un possible qui ne m'intéressaitn pas trop, c'était un interdit sur un sujet donc on me serinait, par les mots puis par le silence qui était censé accomplir les personnes humaines en tant que personnes humaines.

Je n'étais pas humaine, je n'étais pas une vraie fâmme, je ne pouvais enfanter, je ne pouvais nourrir. Cela me tournait dans la tête "capable de concevoir et pas de nourrir"

Une faute immense, impardonnable preuve profonde et ultime que j'étais un parasite sur terre. Que je ne faisait pas partie de la communauté humaine.

L'Interruption Médicale de Grossesse a eu lieu, je fus délivrée, mais il n'y a que depuis peu que le fardeau n'en est plus un. C'est simplement une vue de l'esprit. Il suffit de faire bouger le kaléidoscope d'un quart de tour.

Ca s'est vraiment débloqué quand une de mes nièces, qui avait alors sept ans, m'a demandé

"Dis Ju, pourquoi tu n'as jamais eu d'enfant ?"
Le bon peuple des humains normaux a retenu son souffle et j'ai répondu ce que j'en pensais "Ben, parce que j'en ai jamais voulu" "Alors c'est bien" a conclu la fille.


Oui, alors c'est bien.

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