mardi 12 juillet 2016

Les troubles cognitifs sont-ils lolesques ?

Spoiler alert : non

Je suis atteinte de troubles cognitifs, sais-je et soupçonne ma psychiatre. Elle parle de troubles visuo-spaciaux (m'empêchant de me repérer dans l'espace - je n'ai pas ou quasi pas "d'image" mentale), psychomoteurs (assimilable ou étant une dyspraxie, je suis malhabile, je ne sais pas manger proprement, me cogne dans tout) et de l'attention (mon ancien psychiatre parlait de ce déséquilibre entre cerveau-raison et cerveau-émotion m'amenant à m'autoréguler consciemment en permanence et ma foi on peut pas faire attention à tout)

Et je dois dire que des remarques j'en ai depuis les PASSABLE en attention et en "soin" depuis le CP. Je ne les supporte que de la part de mon compagnon, pour la raison qu'il me connait, me respecte et s'en soucie autrement qu'en me taquinant - et que la taquinerie fait partie de notre mode de relation. De sa part j'apprécie même cette forme d'humour comme étant une marque d'attentionet d'affection envers ma personne entière.


Les remarques agacées et les injonctions à la "fait attention" "tu t'en fous de tout" "t'es toujours dans la lune" me gonflent.

Mais c'est surtout l'humour récurrent, quand il est bas de plafond, et nonchalant, et en devient oppressif, qui me gave. Parce qu'une blague un jour ça va, ça peut même être marrant (j'ai de l'auto dérision). Même une blague lourde, on se sent un peu embarrassé pour cellui qui l'a faite, mais bon. Mais quinze fois par jour tous les jours pendant 30 ans, oui, c'est très pénible.

Comme le disait Lana dans son Blog Schizo "'il faut bien en rire' disent ceux qui n'en pleureraient pas de toute façon" C'est le problème. That's the point. Rire des schizo quand on ne l'est pas, quand on n'y connait rien, rire des personnes avec certains types de troubles. Que les dyspraxiques s'appellent elleux-mêmes "ambisenestre" "lol j'ai deux mains gauches" est une chose, je le fais et le dis aussi, mais les non concerné-e-s quoi. S'effarer ou rire d'une personne qui a du mal à boutonner une chemise à petits boutons, tacler cellui qui fait des ourlets improbables à ses pantalons, fuck.
Rire de moi ou d'un-e autre qui a du mal à manger, je peux plus.


Je vois aussi tourner sur les réseaux sociaux beaucoup d"humour noir rho il faut bien rigoler SECOND DEGRE" sur les troubles de dégénérescence cérébrale. Des articles de vulgarisation scientifiques sur "ce qui donne l'Alzheimer" et des rigolos "t'es pas charlie" qui enchainent avec des "tu vois c'est à cause de ça""merde j'suis foutu" et des mdr à n'en plus finir. Sous un article scientifique. Sur un problème de santé public majeur. Sur des souffrances. Parce que le déficit cognitif ça fait rire. Parce que "perdre la tête" ça fait rire. Parce que ne plus reconnaitre ses proches ça fait rire. Parce que le vieillissement ça fait rire, que les bas QI ça fait rire, parce qu'en plus de "chtarbé" "dingue" et "taré", les insultes courantes sont "débile" "gâteux" "attardé" voire "golmon"


Et je peux remarquer la gêne, parfois,  dans le milieu militant NA. Personne n'est pressé de s'autodiag BQI. "l'intelligence" est à mon sens beaucoup trop valorisée. Ou plutôt, son déficit beaucoup trop péjoré. Un risque de blind existe aussi lorsque l'on lit des phrases sur "l'intelligence du coeur" (qui est à mon sens une qualité réelle certes), "les diverses formes d'intelligence" (idem) et le "au fond l'intelligence c'est variable" ou pire "on est toujours le con d'un autre" Il existe aussi celleux qui sont le con de quasi tout le monde. On ne peut pas le nier.  Il y a cette grande gêne, ce malaise, amenant au rejet ou à l'invisibilisation. Je ne me la ramène pas cependant "j'ai vu la lumière" je sais que ce travail est important à beaucoup. Nos déconstructions avancent.

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