mardi 2 février 2016

Soignante soignée 3/3 - Hôpital

Je suis donc également malade, soignée. Ma première hospitalisation à 22 ans a été une catastrophe, j'ai été très durement maltraitée : outre la privation de liberté (chambre fermée où l'on m'avait enlevé jusqu'au matelas et pyjama), j'ai subi (oui, subi) un traitement extrêmement lourd, recousue sans anesthésie très souvent (sans qu'en parallèle rien ne soit mis en place pour sécuriser les poubelles de salle de bain, blindées de lames de rasoir). La violence montait des deux côtés, j'ai fait un déficit de potassium très sévère (qui aurait du me mener en réa m'a dit un ami médecin) qui n'a jamais été corrigé d'aucune façon que ce soit. J'ai été placée en HDT illégale (le tiers était le directeur de l'hôpital qui ne m'avait jamais vue de sa vie, que je n'ai jamais vu), bref, grande violence.
Qu'en pensais-je ? Que j'étais insupportable à me scarifier, qu'iels en venaient à être forcé.e.s de me contenir, que je devais faire des efforts.
Je n'ai jamais été violente envers le personnel ou les autres usager.e.s. C'était ainsi. A mon entretien de sortie, alors que j'étais zombifiée (une telle dose de neuroleptique que même ma peau était sèche, pas seulement la bouche, au point que tenir un stylo m'était impossible, il glissait) la médecin chef de service m'a demandé ce que je pensais de mon séjour en chambre forte
" Ca devait être nécessaire, pour me protéger
- Vous avez surtout constaté que vous pouviez y survivre. Nous, nous n'en étions pas sûr"

OKLM

J'étais suivie par une psychiatre, psychanalyste, qui a drastiquement réduit le traitement à ma sortie.


ET la fois où j'ai à nouveau décompensé, consciente d'avoir besoin de me poser, sécuriser, adapter le traitement, j'ai demandé à y retourner. Ce sont euxlles qui m'ont refusée, car ingérable. Ce terrible crime de se lamer quand on va mal, qui motive un refus de soins. Je reviendrai quand je serai guérie les gars, je vais pas vous déranger au travail.

Cela m'a conduit à un autre HP qui m'a mieux convenu, malgré le vécu carcéral que j'ai le plus souvent eu, pas de sortie du service, fouille en règle (pardon, "inventaire")(qui n'est pas réalisé à la sortie donc à quoi bon) et promiscuité (chambres de trois lits, deux salles de bains communes pour une vingtaine d'usager.e.s). Ce fut la rencontre avec le Dr JMB que j'estime, qui m'a beaucoup aidée, et dont j'estime lui devoir la vie, physique et psychique.


Infirmière, est-ce particulier quand on est "de l'autre côté" (pas de la barrière, de la porte du bureau, tmtc) ? On m'a souvent asséné que je devais comprendre "vous qui êtes infirmière". Que je devais comprendre non seulement le comportement d'autres usager.e.s (vols, harcèlement sexuel, violence verbale) mais aussi me comprendre parfaitement moi-même.

Allô ?

Quand je demandai au Dr JMB pourquoi cette idée étrange de porter un enfant mort me transperçais le cerveau, : "Vous devez savoir vous qui connaissez la psy".

Donc je suis censée, en tant qu'infirmière exerçant en psy, pouvoir m'analyser toute seule. Autant rester chez moi alors non ? Non, car j'ai besoin "d'être contenue, protégée" et que je ne me rends "pas compte de [mon] état". ET puis, on me parle de mes grands paradoxes psychotiques.

Pour la petite story, il m'a tout de même dit que symboliquement cela devait être "un secret".

Il me fallait aussi comprendre le fonctionnement de l'équipe, puisqu'exerçant le même métier qu'elleux. Et je comprenais ! Je ne les dérangeais pas dans le bureau, sauf urgence, je rongeais mon frein sans couiner quand il y avait un retard, je, je...
J'ai surtout compris des trucs sur ma pratique. Avoir "besoin de parler entre infirmier.e.s pour se décharger des angoisses liées à la pratique" (voire "au contact avec les psychotiques") certes. Mais y'a quand même des réunions, dans transmissions, pour cela. Rester beaucoup dans le bureau pour se protéger, ça ne protège pas les usager.e.s. C'est durant ces temps que se produisent les vols, les problèmes interpersonnels... que se produit l'ennui terrible, l'angoisse, de se sentir lancé.e seul.e dans l'univers. J'ai entendu aussi "il faut que les psychotiques se confrontent au vide" ou "c'est bien de se confronter au vide, ça structure". N'empêche que l'ennui, c'est une forme de torture, je pèse mes mots. Trop médiqué.e ou n'ayant pas le goût à lire, ou sans livre, sans activité occupationnelle quand les soignants sont dans le bureau, souvent sans grand monde à qui parler, surtout au début, parfois les chambrezs fermées deux heures le matin et dans l'après midi, et stop romantisation, les gen.te.s y sont malades mais moi aussi je l'étais et être sollicitée vingt fois en une heure par la même personne pour une clope... relou, sans et avec tout cela, que faire ? Réfléchir à soi ? Ca devrait m'être facile car je suis infirmière ? Je reprends un mot dun cadre infirmier qui avait donné cours à l'IFSI, qui nous enjoignait d'aller vers les patients "même s'il est plus facile de parler des fous que de parler aux fous".

Autre truc, "l'oralité des psychotiques". Neuroleptiques + ennui = faim tout le temps, repas seule activité de la journée.

Et dans tout les cas, le contrôle du discours quoi. Pas seulement en entretien. N'engueulez-ons plus les gens à tout propos. Je conçois, je l'ai vécu comme infirmière et encore plus comme patiente (= h24 dans le service, ne l'oubliez pas) ces mêmes personnes qui réclament la clope, demandent des trucs tout le temps "au bureau" ils vous les brisent mais parfois la soufflante tombe sur le suivant qui toque. Ça aussi je l'ai vécu. J'ai évidemment pas de solution "miracle", ni tout court, pour ces gen.te.s qu'on dit "chroniques", qui vivent à l'hôpital, ont des troubles sévères dont des troubles du comportement. Iels sont répétitifs. Iels sont "chiants", si on veut. Au moins contrôlons-ez la mauvaise humeur et l'agacement (en plus ça n'a aucun effet sur ces usager.e.s de parler fort, de râler, etc)(et peut-être aussi qu'iels sont tout le temps vers le bureau car pas assez au contact des soignant.E.s)

Donc j'apprenais pour mon exercice, "on" me renvoyait à ma profession, je ne parle là que ds choses qui m'ont heurtée, et à savoir que cet HP a été reconstruit et que ma dernière hospit était dans des conditions merveilleuses et idéales de liberté de circulation (rappelez vous que tout patient en HL a le droit à la circulation, le "contrat de soin" n'est pas réellement un contrat, dans le sens où c'est "comme ça sinon vtff" et surtout est peu explicité. Moi on m'a toujours dit "c'est toujours comme ça, c'est la période d'observation" pôint final), de soins, et plein de chouettes soignant.E.s avec des tas d'activités et la porte du bureau le plus souvent ouverte (ou les infirmier.e.s et aides-soignant.e.s avec nous).

Parmi mes collègues cela s'est su, j'étais assez transparente là-dessus et puis cela se voyait. Par contre j'ai toujours eu peur, terreur, que les hispitalisé.e.s soient au courant. Je craignais de leur faire du mal. De les confuser. Que la sacro sainte distance thérapeutique se brise>. Magic tip : un.E usager.e qui sait que vous avez vécu des choses similaires aux siennes ne sera pas terrorisé. Ni proche comme un pote. Un gars m'a dit un jour que j’étais parfois comme lui, donc j'étais légitime pour le respect du cadre, ayant vécu cela. C'est être en état de maladie au travail qui ne va pas alors, please, parlons à nos collègues. S'iels sont toxiques aussi. Ca ne va pas cette omerta sur un.e.tel.le qui fait ceci cela on le sait mais on dit rien. J'ai connu en tant qu'usager.e des soignant.e.s dangereux, celle qui m'a dit que si elle pouvait elle me ferait radier de la fonction publique et que j'étais alcoolique et psychotique et finirais ma vie en hôpital. Celui qui prédatait des patien.te.s avec qui il avait des relations à l'exterieur, et l'une revenant le voir déclarait partout d'elle souffrait d'un délire érotomane. J'ai travaillé avec des collègues dangereuxses. Je n'ai rien dit. J'ai été dangereuxse de par ma folie et mes addictions. On ne m'a rien dit. Parlez. J'aurais préféré qu'on m'arrête avant le gros dossier et le craquage, avant d'avoir pu inquiéter les usager.e.s placé.e.s sous ma responsabilité. C'est protéger les personnes malades et souvent fragilisées. C'est être clair et cohérent. Et dans le cas des "collegues fous", c'est aussi leur rendre service, je suis sérieuse.

Pareil, à ma dernière hospit, j'ai trouvé tous les soignants très clairs, pro, bien. Celle d'avant aussi. Les choses se "régulent" c'est une très bonne chose.

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