samedi 9 février 2019

Mon Histoire de la psychiatrie

Ou comment ça s'est cassé la gueule en 20 ans

Moi j'étais infirmière, je me suis toujours destinée à la psychiatrie, grosso modo parce que je voulais aller à l'encontre et aider les plus stigamtisées des personnes en souffrance. Ca avait un côté sacrificiel, et aussi d'auto comprehension et de réparation alors que j'étais déjà malade mais n'en avais pas conscience.

J'ai fait mes études dans un Institut de Formation en Soins Infirmiers de 1993 à 1996 (soit de mes 17 ans à mes 20 ans, étant de fin d'année), études douloureuses et gavées de maltraitance sur les terrains de stage (les histoires commence à sortir, c'est systémique, je ne suis pas un cas isolé on en a toustes chié) La théorie allait bien, les stages c'était plus compliqué, notamment au vu de mes inhabiletés sociales qui me rendaient bizarres aux yeux des encadrantes. Des certain-e-s, je dis pas, d'autres ont été super.

On m'a notamment dit "Je souhaite que tu ne sois pas une vraie infirmière, que tu aille en psy"

Oui le stigma était déjà là, on n'était déjà pas considérées comme de "vraies" infirmières si on taffait en psychiatrie. Une etudiante m'a même demandé si je ne m'ennuyais pas trop en psy.

J'avais un contrat d'engagement de servir (j'étais payée pendant une année d'étude, je devais un an - payé normalement- à l'hôpital (général) qui m'a formée.

C'était la deuxieme année je crois du "diplôme unique" (les infirmier-e-s disposent d'un diplôme d'état -DE- et peuvent ainsi exercer en liberal après avoir servi trois ans dans un hôpital en interne)

Auparavant il existait le diplôme "d'infirmière DE" et le diplôme "d'infirmière de secteur psychiatrique" (ISP) Il y avait un tronc commun d'un an (où les élèves alors étaudiaent le "corps sain" puis une année dédie à la psy pour les ISP et au reste pour les DE.

Les ISP ne pouvaient pas exercer en service général.

Mais iels etaient pointu-e-s en psy (bien que biberonné-e-s à la psyk)

Donc moi je suis arrivée avec mes maigres connaissances (lectures de Freud, Bettelheim, Kristeva, toussa) et j'ai vu l'indigence de la formation en "santé mentale". La "psychologue" de l'hôpital (une meuf qui avait une L3 de psycho), des intervenant-e-s plus ou moins pédagogues (des internes et medecins psychiatres, psychologues etc de l'hôpital qui nous donnaient des cours magistraux non obligatoires - comme toute la formation) Sur un mois pour une formation de trois ans. Un stage en "santé mentale" était obligatoire sur les trois ans. C'est maigre.

J'avais zéro ambition, quais zéro projet pro, juste sûrement bosser dans l'USN de mon hôpital (Unité de Soins Normalisés", je crois pour différencier le service psy dependant d'un hôpital général d'un EPSM - Etablissement Public en Santé Mentale" dédié uniquement à la psy - mais toujours public)

Mon dossier d'tudes se conclut par "bien adaptée en service de psy..." je me souviens des trois petits points genre omg débarrassez nous de ce boulet. Mes notes théoriques étaient bien, mes mises en situation professionnelle variable (MSP, obligatoires pour valider certains stages) mais toujours up en psychiatrie.

J'ai fait mon stage de pédiatrie en pédospy, les stages optionnels (au nombre de deux) en psychiatrie (ado et adulte), le module optionnel théorique de santé mentale.

Et je ne savais quasi rien.

Bref me voilà fin 93 embauchée à l'USN. Alors je dois dire que notre HP tait particulièrement open. Jai été accueillie par une équipe de quinquas plutôt soudées, de "vioeux infirmiers vieilles ecole" qui avaient connu les asiles, la vague antipsy et qui étaient humanistes. Idem pour le psychiatre chef de service le Dr G. qui a déterminé une grande liberté avec son assistante psy et ses internes.


Le service était ouvert.

Les patients circulaient librement et ma surveillante (on disait surveillante) était fille d'agriculteurs devenue infirmière devenue "faisant fonction de cadre" à l'ancienneté. Quand je dis les patient-e-s circualient librement c'était quasi toustes : même celleux en HDT. Iels allaient acheter un paquet de clopes, boire un café, faire des trucs "en ville", iels signaient rien, iels demandaient juste à un-e soignant-e qui évaluait, disait ok, vous revenez à quelle heure ou alors "je crois que c'est prématuré, je vous accompagne en voiture"

Quand le service était calme on avait masse de temps.

J'ai même emmené des usager-e-s en HO boire un café au bistrot toute seule etc

Y'avait un côté gros zbeul qui péchait quand même, un côté "soins pas pensés" "soins aux tripes" mais on s'en sortait pas mal. Les psychiatres étaient un peu glandeurses, on causait beaucoup comme dans les BD de Lisa Mandel sur la psy.

J'ai appris TOUT auprès des ces collègues. La pratique le ssavoir être faire un entretien, remplir un dossier de belle littérature (et pas que "selles OK"), contenir psychiquement et/ou physiquement un-e usager-e (jamais plus de 72h, toujours s'iel dort)(jamais les sangles, la chambre forte)

On fumait aussi DE PARTOUT (omg dans le bureau infirmier) et la usager-e-s avaient accès à de la bouffe en free party.

En 2000 j'ai été aussi hospitalisée en psy, ça a été un carnage. Je m'attendais à être logée à la même enseigne, j'ai été rudement maltraitée (faits prescrits). J'ai été enfermée (15j, sans RIEN)

A mon retour (j'avais pipeauté en disantavoir eu la mononucleose ce que tout le monde avec tact a fait semblant de croire)

Et ça doit être àpeu près là que tout a commencé à décliner (pour moi comme pour la santé notamment en psy en France)(mais mes "vieuxlles collègues me disaient que ça avait commencé avant)

La surveillante était devenue Cadre de Santé (la même personne pas le même nom)

On a eu un surveillant général qui m'a reprise en se disant "Cadre Supérieur de Santé du Pôle Psychiatrie" en prononçant toutes les majuscules, et qu'avait jamais rien eu avoir avec la psy ou les fols.

La direction du personnel etait devenue gestion des resources humaines (on en a beaucoup parlé, le terme choquait. On connaissait les resources agricoles et pétrolière, on se vivait pas comme des resources alors)

Les biscuits du thé de 16h ont été rationnés (un par personne)

Puis on disparu en tartines.

Puis le pain etle beurre ont été rationnés. Moi je me disais mais fuck, on n'est pas en guerre.

Les usager-e-s ont faim tout le temps, ennui, angoisse, neuroleptiques...

On n'a plus eu le droit de leur proposer à manger entre les repas.

Le lait et la soupe ont été rationnés.

Plein de papiers sont apparus, on a eu des formations obligatoires "stress et agressivité" (avec des formateurices moins compétent-e-s que nous en stress et agressivité)

Il y a eu des choses bien et nécessaires mises en place malgré notre mauvaise volonté (j'admets) : une vraie traçabilité, l'application de la loi Evin, des formations securité et incendie, etc.
Moi je louvoyais avec ma "vieille" équipe : les ollegues voyaient bien que j'étais de plus en plus malade, alcoolisée le matin de la veille dans la nuit etc. Iels m'n parlaient. Iels me protégeaient aussi. C'était bien et pas bien, parce qu'à l'époque y'avait plein de soignant-e-s problématiques et j'admets que c'est problématique une infirmière aux effluves de whisky qui vient faire la prise de sang à 7h du matin, ou qui passe une année à être apathique.

J'étais mal suivie à l’extérieur, je faisais parfois mes propres séjours en psy et je revenais d'équerre et puis ça replongeait.


J'avais un collègue très très problématique dont on s'est toujours douté qu'il frappait certain-e-s usager-e-s sans jamais avoir les kiwis de faire remonter, ou de vérifier. On l'a confronté mais il niait. C'était chaud. Je dirais que maintenant les gen-te-s anormalement maltraitant-e-s sont écarté-e-s.

Donc moins de bouffe, moins de temps (jamais de surbooking cependant), beaucoup plus d’administratif (notamment vraiment pour des conneries) l'arrivée de l'informatique, de plus en plus de N+1 et N+2 venant d'écoles de management.

Et là où pour moiça s'est vraiment effondré c'est quand la génération qui m'a formée est partie à la retraite.

Je me suis retrouvée avec des collègues fraichement diplômée qui bittaient rien à la psy, on pouvait pas le leur reprocher vu l'indigence de la formation, mais qui voulaient pas apprendre.Iels s'en caguaient. Fallait des usager-e-s propres et pas constipé-e-s. Fallait du Cadre (sans sens, sans souplesse, sans aucune compréhension, juste pour se rassurer face à la psychose)

Surtout le Dr G est parti à la retraite et est arrivé le Dr L. Lui c'était saveur umd direct. Il a envoyé des fourgons pleins de patient-e-s "dangereuxses" en UMD. Il a fait fermer le service. Ca prenait encore plus de temps, ouvrir et fermer la porte tout le temps. Il a fait enfermer plein de gen-te-s.

Je le trouvais problématique et totalitaire.

Mes jeunes collègues le trouvait merveilleux "il nous a apporté la Sécurité"

On n'a jamais eu tant de violence tant de fugues. Si peut de parole avec les usager-e-s. Pour un staff identique.

Moi j'étais été victime de mobbying de la part de cette équipe là. Iels parlaient devant moi de leur sorties ensemble sans jamais m'inviter. Iels se moquaient de moi, de mon hygiene douteuse, de mon poids, entre elleux, devant moi. Iels ne m'en ont jamais parlé directement.

Ca a fini par une lettre de dénonciation anonyme à la direction (courageusement signée "l'auquipe infirmière") envoyée à la direction et que je n'ai jamais pu lire dont je n'ai jamais pu me défendre. Moi j'ai pris de vrais soins, HP, clinique, congé longue durée mais c'était plus "possible pour vous en psychiatrie avec le Dr L")(qui m'a rarement adressé la parole)

C'était un bien aussi pour moi de ne plus retourner en psy et taffer comme secrétaire en epidemio m'a aidée et surement sauvé la vie.

Aux dernières nouvelles cet USN a toutes ses portes fermées et des caméras dans tous les sens, et par ailleurs est menacé de fermeture. Les soignant-e-s y reprennent stromae en mode "psy psy t'es où ?" alors que le soin avait disparu depuis longtemps.

Ca se casse la gueule. Y'a les moyens, la formation, la "qualité" des jeunes soignant-e-s qui n'ont pas non plus le même discours que les générations précédentes. Pas la même formation. Pas le même intérêt intellectuel et humain (je globalise, y'en a des biens hein)

Et moi ça fait vingt ans que je vois que ça s'écroule, j'ai posé dix préavis de greve en dix ans, j'ai été réqsuisitionnée dix fois.

Je sais que moyennement comment me battre comme usagère. Je crois que c'est bien si les soignant-e-s nous réhabilitent et portent notre parole au lieu de tenir ds discours qui puent genre "on va finir aussi fols que nos aptient-e-s, un comble"

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