mercredi 15 août 2018

Observation et matériel




Faire des observations et recueillir du "matériel" (des informations, une anamnèse - histoire de l'usager-e) est une chose qu'on m'a appris à l'IFSI : le recueil de données.
Donc comme jeune infirmière j'ai été beaucoup là dedans en psy : recueillir des infos sur les usager-e-s que j'avais en charge, afin de pouvoir mieux comprendre donc aider. D'autant que même durant mes études se sont mes compétences d'observatrices qui ont été appréciées et valorisées. On va dire que d'un-e étudiant-e en stage psy à l'époque en tout cas, on attendait surtout du retrait et de ne pas faire/dire de bullshit.
Bon mais dans la pratique j'ai vite vu que ça posait un problème d'abord pratique : que faire de ces données si ce n'est écrire dans le dossier de soins infirmier et en parler avec les collègues, les médecin-e-s ?


Or, cher-e-s ami-e-s, nous voilà devant un problème éthique et surtout de sémiotique des soins en psy : je vais au contact des usager-e-s au départ pour leur proposer un mieux être, je l'espère, palier une urgence, soulager la douleur, être un relai avec les psychiatres etc. Je ne travaillais pas en psy pour parler avec mes collègues en fait.

Il est facile et dangereux de tomber dans une certaine fascination. Pas forcément de la curiosité malsaine, une certaine fascination, même intellectuelle et clinique. C'est affreux à dire comme ça et c'est affreux quand on est de l'autre côté du soin, et ça je l'ai appris très vite, en tant moi-même hospitalisée.

Les soignant-e-s ont à même de nous amener à parler. Parler de notre vécu, de nos sentiments, de nos émotions, de surtout bien parler, exposer, détailler délires et symptômes positifs. Comme ça iels (nous) savent. Et c'est super chouette de savoir. On peut en discuter en se trouvant trop cool de raccorder ça aux théories de [insérer un psychanalyste] et d'avoir tout compris. Le psychiatre peut affiner le traitement. Et pendant ce temps, l'usager-e, ben iel a tout déballé et iel en est au même point.


"Il faut savoir ouvrir, mais il faut aussi savoir refermer" me confiait un jour mon psychiatre chef de service au décours de l'année 1997. C'est indispensable de faire quelque chose de ce que dit l'uisager-e parce qu'ellui c'est sa vie.
Parce que nous c'est nos vies.
Alors oui vous avez découvert l'eau tidèe quand on vous a dit avoir été violé-e. Mais c'est indispensable de faire quelque chose de cet effort douloureux souvent que de l'exposer, de s'exposer. C'est pas tout de se dire "ah, iel le dit enfin, je vais vite en parler au psychiatre" Et j'ai aussi eu l'expérience de partager un vécu difficile sinon traumatisant et d'entendre "Il faut en parler au PSYCHIATRE". Ok, cool, il va me dévioler ?

Les traumas et les paroles c'est pas du pus (ou pas que) il ne suffit pas de "percer l'abcès" pour que les difficultés s'écoulent magiquement dehors et que du coup il n'y ai plus de problème. Ça peut faire du bien. Notamment si on est reconnu-e, soutenu-e, paulé-e. Si le seul retour est "ok et j'en réfère à qui de droit" qui de toute n'y pourra mais, c'est inutile voir blessant.

Faire quelque chose de nos paroles. Ne pas nous enjoindre de trop à parler. Accepter des entretiens impromptues à des heures pas dans le cadre aussi, parfois (la nuit, très tôt le matin, à l'heure d'un repas, pendant un soin somatique). La parole vient souvent avec des émotions, elle ne se libère pas forcément à un moment M, pratique ou qui semble convenable. La souffrance n'est pas convenable elle vient n'importe quand.

Ne laissez pas seul-e un-e usager-e qui s'est beaucoup livré-e, avec beaucoup d'intensité.

Lisez les dossiers et écrivez, parlez avec vos collègues. On en peut plus de répéter mille fois à mille monde les mêmes choses de notre histoire (c'est toujours les mêmes choses qui vous intéresseront, papa maman, les décès, les maladies, les viols et abus) sortez des sentiers battus, n'ayez pas peur de parler de tout et de rien, du qotidien, ça peut amener à plein de choses (jamais un-e seul-e soignant-e m'a questionnée sur mes chats, un des socles de ma vie ! Et un-e usager-e hopsitalisé- en urgence se fera du souci pour son animal, qui est peut-être seul chez ellui ! C'est primordial !), une bonne question (je l'ai appris en formation systemique) c'est "c'est depuis quand ? / ça dure depuis quand ?" ça libere une fluidit de parole inouie.


Arrêtez de parler des fous, parlez AUX fous.

Merci :)

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