mercredi 30 mars 2016

Déficits






Donc je suis allée voir ma psychiatre, avec les résultats de mon IRM cérébrale.

Elle me l'avait prescrit à cause de troubles de l'orientation dans l'espace, de maladresse.

J'avais presqu'espéré qu'il y ai Quelque Chose, un Truc qui prouve à ma famille que je ne casse pas, je ne me perds pas parce que "je m'en fous"

Parce que je me perds depuis l'enfance et que ça empire.

J'avais violemment espéré qu'il y ai Quelque Chose et que le radiologue me dise "Voilà Mm G. il y a cette tache sur l'image dans telle zone précise, c'est cela qui cause tous vos troubles depuis toujours, ça s'opère et le neurochirurgien vous guérira"

J'avais craint qu'il n'y ai Quelque Chose, une chose genre crabe et que l'on m'annonce que la vie allait déjà m'enlever à mon très bel amour; ou que l'on m'annonce que bientôt je ne reconnaitrais plus les gens.

Tant de scenar, et il n'y avait "rien", il y avait un beau cerveau, même pas abîmé par des années d'alcoolisme.

Donc la docteure m'a dit "C'est rassurant, enfin, pas vraiment, enfin si c'est rassurant que votre cerveau aille bien"

Il me semblait voir ce qu'elle voulait dire qui devait être "ça nous avance pas des masses mais au moins y'a pas de pèt' ", c'est ce que j'ai compris et je l'ai remerciée par devers moi d'être prudente et de ne pas me violenter, de contrôler son discours.

Elle m'a parlé de psychomotricien-ne pour une tentative de rééducation de ces "troubles" "petits problèmes" "ennuis", que ça allait avec ma pathologie, et que ça empire avec l'âge. Elle a dit sans trop le vouloir le terme exact "déficit cognitif"

Wow

Je me suis dit "J'ai des déficits cognitifs et ils vont empirer avec le temps - et alors on parle de psychose déficitaire ?"

Évidemment ça m'a amené, en quelques microsecondes, une foule d'image, d'ancien-ne-s usager-e-s très déficitaires qui bénéficiaient d'une faible autonomie, de gen-te-s semblant vides et une peur profonde a surgi, celle de perdre l'efficacité de mon très beau cerveau.


Je lis avec moins d'aisance. J'apprends avec moins d'aisance. Je me repère avec encore moins d'aisance.


J'ai ruminé cela plusieurs jours qui n'ont pas été gais.

Enfin, j'ai pu me dire : "Bien sûr, voir certaines capacités diminuer n'est pas super fun. Ça a même une vocation fun assez discrète. Mais la docteure a dit que ça se rééduquait, ou bien qu'on apprenait des stratégies pour pallier les déificits"

Déjà hein.

Et surtout je me suis rendue compte que mes émotions étaient validistes, psychophobes. Car, pour être honnête, ce n'est pas tellement les conséquences des déficits qui me travaillaient, après tout j'y fait face depuis l'enfance et y'en a pas deux comme moi pour retrouver son chemin dans une grande ville en suivant des rails de tramway jusqu'à un arrêt.


Simplement le concept même effraie et rebute. Il existe tout un tas de qualificatifs, tous insultants ou l'étant devenu, pour qualifier les personnes "déficitaires cognitivement". Con, bête, stupide, débile, neuneu, couillon,...
De ce que je peux voir, même dans le milieu NA le BQI reste tabou. En règle général si On pense à un problème lié à l'intelligence On se pense HQI. On ne se pense pas BQI. Parce que... Parce que quoi ?

Les BQI auraient-ils moins de valeur ? Serait-ce si grave ? Plus grave que d'être HQI et la cohorte de problèmes liés ?

Avoir peur de ce mot, le déficit, bas QI, retard intellectuel, m'amène à me remettre en question. C'est bien ce qui me pousse à rédiger ce billet aujourd'hui, pour écorcher le tabou.

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