mardi 21 juin 2016

Cicatrices et "T'as qu'à t'en foutre"



Voilà l'été, voilà l'été, voilà les manches courtes, les jupes et les shorts.
J'arbore des cicatrices d'auto-scarification, aux bras, aux jambes, et même une sur la face, mais qui a simplement l'air d'être une trace d'oreiller donc soit, j'ai constament l'air de me lever de la sieste.

Je me les suis faites sur une certaine période, voilà une vingtaine d'années, pour des raisons qui me sont propres et un peu atypiques (but punitif)
Je suis ornée également d'une très grosse cicatrice au mollet gauche, reliquat d'une TS il y a 15 ans environ.
Je vais pas me mentir, ça ressemble à ce que c'est : des cicatrices d'auto-mutilation (AM)
A part celle du mollet qui est costaud, je les aime encore bien, esthétiquement j'aime les cicatrices et je suis une biofemme plutôt virile qui valorise mon image comme battante, combattante, guerrière etc.
Simplement je ne suis pas seule sur Terre. "On" parle, "On" questionne, On juge, On critique, On fait preuve d'une grande curiosité.
On est aussi bienveillant-e, ou indifférent-e, mais ça reste en minorité.
Durant 10 ans je prenais une telle dose de Tercian que je ne pouvais supporter le soleil et portais manches et jambes longues au soleil surtout, je ne me questionnait pas trop. Je veillais à ne pas trop retrousser les manches dans mon unité (double problème de l'infirmière usagère ailleurs) et hoplà.
Durant ma dernière expérience pro, dans un service technique, j'ai choisi le premier été de tomber les manches, je n'ai eu qu'une seule question, un retour très compréhensif, c'était tout.

Cependant la psychophobie est réelle, et j'expliquais déjà dans un autre billet qu'on n'est pas souvent respecté-e quand "on ne se respecte pas soi-même". Celleux qui ont vécu la visite aux urgences après AM comprendront aisément, pour les autres je dirais en vrac, suture sans anesthésie, passage de savon, jugements, reproches, non prise en charge de l'angoisse.

Par rapport à mes cicatrices d'AM, j'ai connu une foultitude de questions pressantes, gênantes, malsaines, de fascination morbide pour l'AM de la part de personnes non concernées. La fascination de la folie, du genre de celle qui pousse à lire des rapports d'autopsie et des bio de serial killer.

Maintenant je suis en retraite anticipée alors rien à foutre ? Oui et non. Ne plus travailler à l'extérieur me permet des fantaisies comme travailler manches courtes, porter des tee shirts ridicool et des boucles d'oreilles en vrais cheveux tout le temps, me raser la moitié du crâne et faire péter les jeans déchirés. Isolée (ce n'est pas forcément un mal) à la campagne, je vois mon aimé, la factrice, et parfois des ami-e-s et ma famille, tous en paix avec mon histoire.
Mon compagnon me dit que rien à foutre des qu'en-dira-t-on, si jamais, perso je reste méfiante.
"Je m'enfous"
"Tu t'en fous"
Pas si simple. On demande souvent aux personnes discriminées de s'en foutre des remarques/jugements/whatever. Je n'arrive pas toujours à m'en foutre, les jugements de valeur peuvent avoir des répercussions concrètes sur la vie pratique (milieu pro, belle-famille, hobby dans une asso,etc.) et je refuse de simplement fermer mes écoutilles en trouvant ça normal.
Je parle aussi aux concerné-e-s, c'est parfois une injonction de s'assumer, de se trouver beau-elle gros-se, couturé-e (pour ce qui me concerne), de libérer nos corps et de déambuler dans la cité en short et crop top. J'en rêve hein et franchement j'ai pas mal le culot pour le faire (et entre la maladie psy et l'alcoolisme j'ai vécu tant de situations d'humiliations que bon, j'ai fait le baptême du feu), si nous le faisions tou-te-s "les gen-te-s" s'habitueraient et cela libérerait la société sans doute, à la longue (j'en suis même pas persuadée) mais FUCK ai-je envie de crier. Les rumeurs, les questions, les remarques, les regards (ce regard-là, tmtc) on peut les essuyer sans pleurer et sans trop de mauvaise humeur, mais ils créent une ambiante oppressante (comme "oppression") et ils rongent petit à petit.
Ca va pas forcément ronger ma confiance en moi, que désormais je tire de moi-même et de mes très proches, mais ça reste en toile de fond, sans cesse, ça obscurcit, ça demande un effort permanent et pour quoi ? Me balader en short avec mes cicatrices recousues grossièrement à la Albator et ma c ellulite débordante ?
Si, les "regard des autres" compte. Non, nous ne sommes pas tou-te-s fortes. Non, même celleux qui sont fort-e-s ne sont pas forcément d'humeur à s'exposer tout le temps, parfois même jamais. Non, nous ne sommes pas tou-te-s en lutte constamment, ou de cette façon. Oui, surtout avec des troubles psy et le réel et violent rejet qu'ils provoquent nous sommes plus fragiles par rapport à notre image de soi. Oui, quand c'est la chaos à l'intérieur, que déjà on entend des voix, des remarques, on se sent épié, on ne sent pas ses pensées protégées dans sa tête, on a le sentiment que tout le monde nous regarde, on n'a ni la force ni l'envie de vivre le truc depuis l'exterieur aussi, même de façon minime.

Alors pour les non concerné-e-s qui me conseillent de m'en foutre vraiment vous savez pas. Pour les concerné-e-s qui s’en foutent tant mieux pour vous mais tout le monde n'en est pas capable.

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