samedi 7 novembre 2015

Oralité






Il y a un truc que je fais tout le temps
Ca agace tout le monde
Ca dégoute même, ça agace et ça révulse sur les bords
C'est porter des choses à ma bouche
Des cigarettes, des e cigarettes, mes doigts mes ongles, des aliments, de l'eau et d'autres boissons, de l'alcool en seille, des trucs, tout le temps, que je mets dans ma bouche

"On" qui, s'il n'est pas un con, est indéfini, m'a parlé d'avidité orale
Ca parle de cela et ça parle de mes besoins affectifs immenses aussi
Encore faut-il adhérer à la doctrine psychanalytique et je dois dire qu'elle et moi on est un peu en froid parce que ouate de phoque tout de même, sur les bords
On m'a parlé de fantasme de dévoration, de fantasme de nourrisson au sein qui ne fait que se remplir, on a parlé de ce vide en moi à remplir absolument, de vide psychotique, en moi
Vide ?
moi ?
J'ai plutôt le sentiment d'être trop pleine, de tout
Il est vrai que je suis difficilement rassurable affectivement et que je demande beaucoup
Actuellement, j'ai beaucoup, j'ai tout, je suis comblée
Pourtant je fume, je bois, je bouffe
Et mon passé mon passé mon passé, frak à la fin mon passé, je n'ai pas non plus grandi dans un orphelinat sibérien
Qui peut se dire rassuré en amour ? Qui peut se dire sûr en amour, tranquille en amour ? Dès qu'on aime on est insécure, sans amour on n'est qu'airain qui résonne
Alors non, ma théorie, la théorie que je vis qui est donc en quelque sorte une pratique, ma réflexion empirique disons
C'est que la bouche reçoit, la bouche prend, mais la bouche donne aussi.
La bouche est un endroit merveilleux, les dents sont merveilleuses, agressivité (saine ou pas), santé surtout, la langue est un muscle génial qui sent les goûts et les odeurs, les textures, les lèvres identifient avec précision la texture externe, la douceur, l’âpreté, c'est un sphincter la bouche, un merveilleux muscle et une splendide cavité et avec on reçoit
Certes des cigarettes, de la nourriture, des boissons
Mais aussi des baisers, des caresses, et des souvenirs en madeleines
La bouche donne aussi, elle donne des baisers, des coups de langues, des morsures, des mordillements, surtout elle donne des mots, des rubans de mots, des tissus de mots, et des chants, es vrombissements des sifflements, des murmures et des cris.
Alors avec ma bouche, je n’aspire pas comme une outre sans fond, comme un vampire, de basses nourritures terrestres en me disant oh bon, très bien, je me sens en manque de love je vais bouffer tout un saladier de riz et fumer quatre clopes et ça platrera. Je ne suis pas une poche vide nom de dieu, je ne me remplis pas, je ne suis pas vide.
Stieg Dagerman a écrit Notre besoin de consolation est impossible à rassasier et c'est un écrit assez universel. Va-t-on dire de ce pauvre Dagerman qu'il ressent une pulsion orale toute psychotique et régressive ?

Ce que je cherche à faire avec ma bouche, c'est échanger. J'ai soif de mes contemporain.e.s, du monde, je ne suis pas différente d'un.e autre. J'aime parler, j'aime mal chanter, parce que j'ai une sensibilité acoustique particulière, j'aime embrasser, j'aime les caresses buccales à donner et recevoir, j'aime les mots, à lire, entendre, donner, j'aime écouter, j'aime entendre, j'aime recevoir par les oreilles et la bouche, j'aime prendre du plaisir et en donner, avec ma bouche et tout le reste, j'aime ressentir par la bouche, sécher d'angoisse, saliver de désir comme une chienne de Pavlov, j'aime mordre et croquer.

Je suis une personne sensée, je devrais, je pourrais me raisonner. Je le ferai, car mon corps est un genre de temple de chair dédié non à dieu mais à ma vie vivante, mais comme C.B. me le disait dans une autre vie "Complexifie le problème, alors tu le comprendras"

Je suis autosuffisante en sein, j'en ai deux.

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