lundi 25 janvier 2016

La femme la plus belle de la galaxie


Un "billet d'humeur" n'ayant pas trait à la schizophrénie ou à la psychophobie.

Certaines choses se transmettent de femme en femme, de mère en fille, en petite-fille. Certaines peuvent être positives, mais je me méfie de tout ce qui se transmets exclusivement sur une branche verticale cisgenre. Les valeurs de fâmme.

J'ai lu Luce Irigaray sur le tard, j'avais 39 ans, l'année dernière donc, et j'ai été conquise par sa démonstration de ce que les femmes qui sont mères et élèvent leurs enfants deviennent amenuisées à ce rôle là, notamment envers leur(s) fille(s), où peut-être il serait moins mortifère de demeurer, de devenir, d'être une femme-soeur, pouvant changer de rôle, mère, fille, soeur, amie, whatever. Elle l'a traduit dans son poème "avec ton lait ma mère, j'ai bu la glace".

Moi petite... petite fille je pensais que ma mère était la plus belle femme de la galaxie, et je regardais Ulysse 31 et Albator 78.
Un jour, et elle le raconte encore aujourd'hui avec émotion, j'ai été subjuguée par "tes traits sous les yeux".
Elle m'a reprise, elle a été heurtée. Avec le lait de ma mère, j'ai bu la honte des rides naissantes.
Elle utilisait des crèmes pour le corps, le visage
Je trouvais ces rituels chouettes, j'avais le droit de 'moindre de crème Nivea (r) en pot bleu, le gros pot rond.
Avec le lait de ma mère j'ai appris adolescente à utiliser de la crème de jour. A 17 ans de la crème de jour, mais wtf. Pour le confort, pour le bien-être, pour la santé ?
Pour rien du tout, parce que c'est une grande tradition de la Fâmme. Je ne sais pas si des ados mâles de 17 ans se font pénétrer une crème de jour légère chaque matin, pourtant si c'est le summum du confort et du kiff ils devraient non ? Peu importe, ce n'est pas si genant.
C'est deux minutes chaque matin, c'est une dizaine de francs, à l'époque, par quinzaine.
Et puis avec le lait de ma mère, j'ai fait mon premier soin du visage. POur mes 18 ans. J'avais fait une TS m'ayant mené à l'hôpital et ma mère m'a offert un soin du visage et maquillage de jour chez Yves Rocher, "pour me chouchouter". J'avais été très touchée et j'avais bien aimé.
Maintenant je me rends compte à quel point c'est étrange quand j'y pense. J'avais essayé de mourir, nous n'en avons pas parlé, j'allais très mal psychiquement et la seule chose trouvée pour me faire me sentir mieux (et croyez moi je suis touchée du geste et il m'avait réconfortée) c'est d'envoyer ma peau de jeune femme se faire extraire les points noirs du nez, ce qui est douloureux, et bombarder de vapeur très chaude, ce qui étouffe, dans le but d'être chouchoutée, que je me sente mieux et que je "m'apprécie à nouveau" moi-même.

Twilight zone.

Après la crème Nivéa bien sur il y eu les divers laits pour corps, les huiles sèches ("qui ne sont pas vraiment de l'huile tu sais sinon c'est pas sec c'est GRAS"), et les multiples crèmes visages. Une pour les joues une ou deux pour la zone T, les patches pour décongestionner le tour des yeux le matin, la crème anti ride ou la BB crème (ou CC crème, DD crème, XX crème oui), la crème contour des yeux, celle contour des lèvres, et une fois que j'eus pris du poids, les fameuses crèmes anti cellulite-qui-servent-à-rien-mais-on-sait-jamais.

Et je continue à les mettre. De plus en plus nombreuses au fur et à mesure des "progrès" de la cosmétique et de l'avancée en âge.
Je ne jette la pierre à personne en particulier, à moi non plus au fond, depuis que je me suis fait le pacte que tendre à être une bonne personne incluait une tendresse sans complaisance envers moi.

Ce que m'a transmis ma mère est transmis par la société entière et ne date pas de 1975 (quoi que la société française ai pu être plus égalitaire alors, je sais pas, je m'en rendais pas compte à 6 mois)

Mais je pense à ces transmissions de mère en fille, à ce que je transmets plus bas, moi childfree, ce que je transmets à mes nièces, ce qui leur est transmis. De passer du temps, du budget, du souci, des complexes, pour "se sentir bien" "s'offrir un moment cocooning" "avoir une vraie peau de bébé" (sérieux, glauque) Je pensais lorsque je fréquentais régulièrement les instituts de beauté comme je me sentais bien et belle en en sortant, j'avais fait un parallèle institut/institution (j'étais hypomane ça aide les glissements du genre), comme une institution de beauté pourrait être un soin, l'est dans certains établissements (et c'est parfait), comme entre les mains de l'esthéticienne je me sentais comme la nourrissonne au bain avec sa mère aimante, manipulée avec douceur, avec gloussements et compliments, et en en sortant on se sent belle, aimée, quasi déesse.

C'est galvanisant, mais faut-il consommer pour s'aimer ? Se laver, se coiffer, s'habiller, manger correctement, boire un café ou un thé, mettre des vêtements doux, tout cela, ne suffit pas pour nous  femmes à "s'occuper de soi" ? A "se respecter" ? A "se faire du bien" ?


Je tâche d'apprendre cela, s'aimer justement me semble un long parcours, en attendant je m'applique toutes mes crèmes le matin.

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